« Je préfère vous prévenir, ces 24 kilomètres, ça va être dantesque ! Ça va être dur dans les Mille Marches. C’est pentu. C’est trempé. Ce sera dangereux. »

Dimanche 19 Avril à Prémian, plus beau village du Languedoc, le speaker officiel de la Ronde Forestière du Somail met en garde « les Parisiens » de l’épreuve diabolique qui se dresse devant eux. À quelques instants du départ les intempéries sont au centre de tous les débats, et chacun revoit ses ambitions à la baisse. L’ensemble de la team Jolie Foulée tentera donc de rentrer à la maison vivant, sans laisser de membre dans les montagnes du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc.

Et pourtant, la veille, l’ambiance était toute autre au sein de l’escadron venu des quatre coins de la France pour se mesurer au monument. Jérémie a travaillé l’endurance dans les soirées parisiennes, Florian fraîchement rentré de New York a mis à profit le décalage horaire pour gagner du temps au chrono. Guillaume, débarqué de Nantes, enchaîne les kilomètres en TGV à moindres frais. Vincent met 500m dans la vue en une seule accélération au club des anciens combattants de la course à pied sur les rives de la Garonne à Toulouse. Et enfin, Laurent n’a toujours pas été doublé par une vache lors de ses sorties dans la campagne annécienne. C’est donc en pleine confiance que chacun se prépare à affronter les 1000m de dénivelé. Loin de se douter que la pluie, le vent et le brouillard viendraient s’imposer en juges de paix du trail du Somail, les cinq inconscients s’empiffrent de boudin, boissons légèrement alcoolisées, fromages et gâteaux d’anniversaire avant d’aller saluer la vierge du Mercadal au cours d’une balade digestive. Pas vraiment conscients de la difficulté extrême de la course, nos coureurs pousseront même le vice jusqu’à péter des tacles et petits-ponts lors d’un match de foot disputé. Conseillé par le légendaire Renaud Longuèvre, coach de l’Équipe de France d’Athlétisme et du Paris Running Club, Jérémie envisage l’avenir proche sereinement grâce à la potion magique de sa confection : 2/3 d’eau Hépar, 1/3 de jus de raisin Monoprix Gourmet, et deux généreuses pincées de gros sel. En boire 1,5 L par jour pour prévenir tout risque de crampes.

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L’héritage est lourd à porter. Triple tenant du titre de sa catégorie, mais aussi seul concurrent à chaque édition, Antoine a décidé de laisser un peu leur chance aux autres. La team Jolie Foulée a donc la pression sur les épaules et se doit de ramener la coupe à la maison pour garnir l’étagère. Jérémie sent la contre-performance venir et négocie une place sur le podium moyennant une inscription au Trail du Caroux organisé en Juillet. La température est glaciale et les pieds déjà trempés à peine la porte d’entrée refermée. Gâtés lors du retrait du dossard, les cinq courageux arborent fièrement une belle casquette du Conseil Général ou du Crédit Agricole pour les plus chanceux. De quoi garantir un look parfait à Vincent, contraint d’enfiler la rolls du k-way dans les années 70 pour parer la pluie battante. Soixante et un téméraires prennent place sur la ligne de départ. Habituée à bien se positionner de façon à être sur toutes les photos, la team Jolie Foulée s’impose en première ligne, sans même avoir à jouer des coudes. Une fois les consignes de sécurité énoncées, le speaker entame le décompte. 5… 4… 3… BANG !!! Trop pressé de voir les concurrents en découdre, Hubert le Maire en pull Lacoste*, en appuyant sur la détente plus vite que prévu et lâchant la meute de chiens mouillés. On profitera du premier kilomètre qui sera le seul plat au menu du jour. Le reste c’est une course d’extra-terrestres. 1089m de dénivelé du km 2 au km 14 avec notamment la montée du terrible Sentier des Mille Marches. Oui oui, comme son nom l’indique… Trois kilomètres d’escalade à quatre pattes, en traversant des ruisseaux avec de l’eau à mi-mollet, et en passant devant des cascades grandioses, l’effort est à la fois destructeur et vivifiant. Ça nous rappelle ce film là, avec les petits nains moches et les blonds aux oreilles cheloues. Oui c’est ça, Le Saigneur des Anneaux.

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Au passage au point culminant de la Grande Pleine au km 14, les positions semblent figées. Chacun traçant la route comme il peut, esseulé au beau milieu des champs de bruyère. Impossible de savoir combien de temps sépare les membres de la team. On avance à l’aveugle. Avec sa bite et son couteau. Et ses jambes aussi. On profite des points de contrôle pour se ravitailler et échanger quelques bises avec les bénévoles prémianais qui se sont mobilisés pour l’événement. Les 10 kilomètres de descente tant attendus vont se révéler salvateurs pour certains et tragiques pour d’autres. Vincent lâche Florian dans les premiers hectomètres. Jérémie, après une montée qu’il qualifiera d’épouvantable et qui lui fera hurler dans la forêt qu’il est « une grosse merde en course à pied », retrouve des sensations et lâche les chevaux. Guillaume qui avait montré de belles dispositions en côte commence à subir les efforts fournis. Laurent, fidèle à sa stratégie, continue d’admirer le paysage en prenant le temps de cueillir quelques champignons. Guillaume cale au km 17 et marche pour retrouver des forces. Jérémie le rattrape, lui adresse une tape amicale dans le dos et continue sa route. Vincent déroule, à l’aise sur les pistes accidentés grâce à sa technique de pas chassés dans la descente, il s’adjuge une belle 30è place en 02h35 qui lui permet de se classer 1er Junior. Ayant basé toute sa stratégie sur les défaillances de ses adversaires et connaissant bien le profil piège de la course, Jérémie est le suivant à franchir la ligne en 02h44. Les Roturier signent un doublé. Florian arrive alors que le chrono affiche 02h49. Seul hic, Jérémie ne l’a jamais doublé pendant la course. Sous le choc, Florian avouera au micro qu’il s’est perdu dans la descente : « j’ai suivi un sanglier sur le sentier et puis au bout d’un moment je n’ai plus vu de balises. Tant pis, je me suis dit que toutes les routes menaient à Prémian. Ça m’a fait faire un bon détour, j’ai fait 2km sur la route ! Et puis j’ai pas l’habitude, je cours pas en forêt* »Guillaume est bien content d’entrer dans le village, au bout de 3h08 les bras chargés de charcuterie et de fromage généreusement offerts par Tony pour lui sauver la vie à 3km du dénouement. Les centaines de spectateurs massés sur la ligne d’arrivée poussent un grand ouf de soulagement en voyant Laurent en finir en 3h48. Alors que les secours en hélicos étaient partis à sa recherche, inquiets par l’heure affichée au chrono, il termine encore plus frais qu’au départ : « C’était fastoche ! » s’exclamera-t-il. Un bel exploit néanmoins d’être arrivé avant le dessert du repas d’après course.

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Comme à l’époque des menhirs, moustaches et nom en X, l’histoire se termine en famille et entre amis autour d’un banquet qui fait honneur à la spécialité locale. Chacun raconte ses exploits autour de savoureuses assiettes de charcuterie et de grosses marmites de sanglier. La team Jolie Foulée, désormais célèbre sous le blaze des « Parisiens », tient à exprimer de chaleureux remerciements à Roland Coutou et au Comité des Fêtes de Prémian pour l’organisation de la course la plus difficile, mais assurément la plus belle de France. Aux bénévoles présents sur le parcours pour aiguiller les étourdis égarés dans la forêt. À Hubert Barthès, Maire de Prémian, pour permettre la tenue de cet événement international dans la commune Héraultaise. À Mathilde pour toutes les super photos running campagne. À Danielle Lebon pour les photos prises en haut des Mille Marches. Et à toute la famille Roturier pour l’accueil et les festivités d’avant et d’après course.

*Contrepèterie

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En guise de bonus, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Roland Coutou, organisateur de la Ronde Forestière du Somail :

Roland, bravo pour tout le travail réalisé autour de la course. Quelles sont tes impressions sur cette septième édition de la Ronde Forestière du Somail ?
Beaucoup d’inquiétude pour les concurrents avec le temps franchement humide, puis du soulagement quand tout le monde a passé le cap de la sortie des mille marches. Ensuite une grande joie avec une super ambiance au repas d’après-course avec les coureurs et les bénévoles. Et bien sûr un peu de déception quant au nombre de participants.

Qu’est-ce-que vous nous réservez pour l’année prochaine ?
L’idée générale c’est de garder le même parcours en ajoutant des parties de monotrace ou de sentier. Les reconnaissances ont commencé, et nous avons déjà trouvé un itinéraire bis sur le plateau pour éviter un parcours trop roulant. Pour la descente nous avons plusieurs idées, mail il faut les tester.

Vous n’avez pas eu peur de perdre des concurrents dans la montagne ?
Quand on organise une course, quelle que soit sa difficulté, c’est la sécurité des participants qui l’emporte. Le balisage, la veille et le matin même de l’épreuve sont une des clés de la réussite. Le brouillard est le pire ennemi. Le sentier des mille marches avait été débalisé, le matin de la course, l’ouvreur a du reprendre tout le travail. Il est sorti des mille marches très fatigué et en hypothermie. Il n’a pu achever le parcours et d’autres ont pris le relai, tout ça pour que les concurrents soient le plus en sécurité possible.

Est-ce-que tu peux nous donner la recette de la daube de sanglier servie au repas d’après course ?
C’est comme la potion magique, le secret est bien gardé. Ce qui fait la différence c’est le sanglier de Prémian.

Est-ce-que tu as repéré quelques jolies foulées dans le peloton ?
Cette année, je n’ai vu que le départ et l’arrivée. Mais j’ai bien aimé Florian Risi et Ley Antoine (2ème ex aequo) qui sont arrivés main dans la main avec la banane. Le vainqueur du jour est arrivé dans un grand état de fraîcheur et de lucidité. Il a répondu aux questions de l’animateur sans être essoufflé. Sur la course le team jolie foulée a mis une bonne ambiance, dans l’esprit de la course.

 

À l’année prochaine sur le podium.

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