Le Sussex Coastal Trail c’est :
Un marathon le long des falaises de la Côte Sud de l’Angleterre qui se jettent dans la Manche.
Une sacrée paire de Manche comme diraient les blagueurs.
1300m de dénivelé positif.
Perdu au milieu des champs de moutons et des chants bretons.
Une très mauvaise idée si on n’est pas bien préparé.

Après une première expérience excitante en 2017 sur le semi, Jérémie se lance cette année sur la distance reine, alors qu’il déteste courir, accompagné de Julien, qui n’a jamais couru plus de 21km dans sa vie. Récit de cette course pas comme les autres. Et très difficile.

Coastal Sussex Trail Marathon

Dupont et Dupond

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Le vent souffle sur les plaines

7h15 : La chasse des toilettes ne fonctionne pas. Et le dentifrice a coulé sur le beau tee-shirt Jolie Foulée. Ça commence mal.
8h05 : On se gare sur le parking de fortune mis en place par l’organisation dans un champ et on marche jusqu’au camp de base. Ça souffle et ça caille.
8h30 : On est réuni sous la tente pour assister au briefing d’avant-course.
9h00 : On est toujours au briefing. On s’ennuie sévère pendant que James, le chef op, débite des consignes de sécurité et raconte sa vie de merde aux 150 coureurs du marathon qui n’en ont rien à cirer. Même les chiens inscrits au marathon pour traîner leur humain qui leur sert de maître s’endorment. C’est pour dire.
9h15 : Après avoir enfilé plus de couches que prévu, on peut finalement partir à l’abattoir, à l’assaut des falaises des Seven Sisters. Le départ, enfin les 500 premiers mètres, est plutôt tranquille. On arrête de sourire au pied de la première des 562 montées de la journée.
9h24 : Même pas 2 kilomètres de course et on se fait déjà tabasser par le vent.
10h10 : On passe devant plein d’animaux en liberté, tels que des vaches et des moutons. Le paysage est étonnant, superbe et hostile à la fois. En surplombant l’estuaire, on s’en prend plein la gueule comme Katsumi à sa grande époque. La pluie tombe à verses et le vent souffle tellement fort qu’il brouille l’écoute*, tandis que les troupeaux de moutons eux broutent l’herbe.
10h52 : Alors qu’on chemine tranquillement sur un sentier boueux coincé entre une forêt et une clôture électrique, on croise de vulgaires randonneurs, vieux et plein d’arthrose. Ces fumiers lents à la détente ne se poussent pas suffisamment et nous forcent à faire un écart malvenu. Bim ! On se prend un décharge électrique en touchant la cloture avec le coude. Ça réveille !
11h15 à 12h06 : Jérémie et Julien courent ensemble dans les champs, mais ça n’intéresse pas grand monde.

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Échec au pied du podium

13h09 : Après 3 heures et 54 minutes d’effort, Jérémie passe la ligne d’arrivée du Coastal Sussex Trail Marathon. Un effort intense et continu, qui lui vaut un accueil de héros à l’arrivée. Lorsqu’on lui annonce qu’il se classe 4è de la course, il tire la gueule et répond avec assurance qu’il était venu pour chercher un podium.
14h08 : 4h52 à se bouffer du vent dans les dents et Julien franchit la ligne pour signer une très belle 51è place. Bel hommage à notre boisson préférée, même s’il ne finit pas aussi frais qu’elle. Les dix derniers kilomètres se sont transformés en véritable chemin de croix, où il a dû lutter contre les bourrasques invraisemblables qui ont mis à terre plusieurs coureurs surpris par la force du vent. En tout cas pour quelqu’un qui n’avait jamais couru plus d’une heure trente-huit dans sa vie, c’est une performance honorable.

Mais que s’est-il passé de 12h06 à 13h09 ? Et surtout, comment un coureur si peu talentueux que Jérémie a-t-il pu finir quatrième d’une course ? Révélations ci-dessous.

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L’enculerie du km30

En course à pied, sauf erreur de notre part, le but du jeu est de passer la ligne avant les autres concurrents. Toujours très à cheval sur les règles, Jérémie n’a pas oublié cette notion de base aux abords du trentième kilomètre. Perclus de crampes à chacun des muscles de ses deux jambes depuis le kilomètre 23, il a dû laisser Julien s’échapper pour accomplir ses rêves d’embardées champêtres. Serrant les dents et tentant de récupérer l’usage de ses jambes en avalant du gros sel et en s’hydratant, il peste contre ce physique de lâche et parcourt les 7 kilomètres suivant péniblement. C’est en arrivant au phare juché au sommet d’une falaise face à la Manche que le destin de cette course dantesque va se jouer. Fourbi par la violence du vent, qui souffle à près de 100 km/h et force les coureurs devant à lui à se tenir au mur pour ne pas se retrouver la tronche dans le gazon, il analyse calmement la situation. La tête qui tourne, des crampes plein les jambes, un froid glacial, encore 12 kilomètres à se farcir et surtout la ligne d’arrivée qui se trouve en contrebas, avec le parcours qui croise celui du retour emprunté par les coureurs du 10km et du semi. Hors de question de faire 12k en marchant, autant finir la tête haute, en passant la ligne en courant et avant les autres concurrents. Il trottine jusqu’à l’embranchement, personne ne regarde, et hop le voici dans le wagon qui avance en sens inverse, en direction de l’arrivée. 600m plus loin, les officiels le félicitent en lui annonçant une belle quatrième place. Comme on peut s’en douter, la supercherie n’a pas tardé à être découverte, et a provoqué sa disqualification lorsque les juges se sont aperçus qu’il n’avait pas pointé au dernier checkpoint.

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On a encore beaucoup à apprendre de cette discipline de chiens qu’est le trail, notamment que comme le disait un célèbre conteur, “rien ne sert de courir, pour rallier l’arrivée mieux vaut marcher à point”. Si le coup de poker tenté au km30 a finalement échoué, il a au moins permis à Jérémie comme son collègue Julien, de profiter d’une bière gratuite au pub du village, qui offrait une pinte à tous les finishers. Et parole de serveur de pub “Vous n’avez vraiment pas eu de chance pour la course, il n’y a jamais autant de vent que ça ici”.

*Contrepèterie

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