Gump : Alors comme ça tu es parti te la couler douce de l’autre côté de l’atlantique ?
Forrest : Ah la base je voulais faire un récit détaillé des différents plats que j’ai pu déguster lors de mes vacances au pays basque et puis entre temps je me suis retrouvé dans un avion direction l’Oregon pour courir la course en relais la plus ancienne de nouveau contient : Hood To Coast !
Gump : En relais ?
Forrest : Oui ! Concrètement il s’agit d’une course de 199 miles partant du mont Hood pour arriver à l’océan Pacifique, Sea Side, en passant par Portland. Cette course assez dingue donc, se court en relais par équipe de 12.
Gump : En relais ? Non je déconne, mais comment t’es tu retrouvé là-bas ?
Forrest : Grâce à Nike mon chef ! La marque a eu l’idée de constituer des équipes venant des quatre coins du monde, de toutes les réunir en un même endroit, Portland, et de les faire courir !
Gump : Ok, vu ton niveau j’espère qu’ils n’avaient pas de prétention chronométriques sur la course ?
Forrest : Vu mon niveau clairement non, mais là n’était pas l’enjeu. C’était avant tout de faire courir des gens extérieurs à la CAP et de montrer que quelque soit ton niveau, oui tu es capable de faire bien plus et d’aller au-delà de toi. Mais bon l’idée principale ça reste de courir et de passer 25 h à 7 dans un van sans douche, ni toilette avec des gens que tu connais depuis deux jours…que l’amour quoi !
Gump : Pour rentrer dans le vif, y’avait qui dans ta Team ?
Forrest : Que des numéros 10 dans ma Team, à ne pas confondre avec une expression de Fracture « que des numéros 10 dans Martine »… heureusement y’avait pas de Martine. Techniquement notre équipe était composée de deux vans de six coureurs chacun. Perso j’étais dans le van 1 celui qui commençait la course. Une fois nos six premiers relais réalisés on transmettait le témoin au van 2 qui enchaînait pour six relais et ainsi de suite jusqu’à la ligne d’arrivée.
Dans mon van j’avais donc 3 membre du Yo running Club (Suède); Jonathan et Michael, deux suédois qui lorsque je discutais avec me confiaient « Non mais on ne court pas beaucoup nous »… Non à peine; les mecs ont à leur actif 5 full Iron Man, un Northman et 6 éditions de la OTILLO. Charlotte du Yo RC, l’avion de l’équipe. Oui car seul un avion fait le 10km en moins de 35 mins et le marathon en de 2h42. Coté français dans le van, il y avait Camille toujours à bal et Mathieu le mec qui reprend au pied levé les relais d’une désistée . Le reste de l’équipe tu la trouveras sur la photo en bas ((L) ça veut dire coeur sur eux).
Et bien évident le nom de la team : RUNNING SUCKS.
Avec mon van on s’est donc retrouvé le vendredi vers 12h45 au mont Hood pour lancer le départ de cette course. Une vingtaine d’équipe sur la ligne et pour la suite on te donne rendez-vous 199 miles plus tard.
Gump : Ouais je vois le genre, mais du coup t’as réussi à courir où tu t’es caché derrière un mégaphone pour gueuler sur les autres ?
Forrest : Au début je trouvais l’idée fort bien agréable, prendre des bières de la glacière et arroser les autres qui se démènent pour passer le relai. Mais in fine y’avait pas de bière déjà et finalement c’est pas tout les jours que tu te retrouves aux US donc je me suis dit quitte à être là, autant essayer de courir.
Le problème de ma démarche c’est que j’avais oublié que dans mon équipe certains mecs, et fille surtout, n’avaient pas mon allure de parlementaire se rendant à l’assemblée pour la première fois. Du coup il est fort probable qu’au moment où nous avons transmis le relais à Charlotte (qui devait courir 9 km), nous avons oublié que sa vitesse de pointe était plus rapide que la mienne en fractionné sur 50 mètres (oui sa moyenne sur du plat c’est 3.03 au kilo). Et devines quoi ? Beh elle est arrivée sur la zone de relais 7 minutes avant nous, avant le van donc… Belle perf surtout que c’était à mon tour de courir. Je n’avais même pas encore fait deux mètres dans cette course que j’étais déjà à la bourre.
Gump : Mais j’ai envie de te dire rien d’inhabituel… t’as rattrapé ton retard au moins ?
Forrest : J’ai essayé oui ! Je suis donc parti plus vite que Wawa qui attaque dans les Pyrénées, mais visiblement je n’aurais pas dû. Il faisait 35 degrés et faut pas croire, mais c’est vallonné l’Oregon! J’étais à bal et j’ai surchauffé plus vite qu’il ne faut pour dire « au putain je suis parti trop vite ».
« 7,5 ». Je m’étais mis en tête, « donne tout sur 7,5 km » ! Arrivé au km 8 et ne voyant pas la zone de relai, j’ai compris que dans mon génie le plus total j’avais oublié en regardant le road book que la distance affichée était en mile… Je devais au total faire 12km et j’étais mort au 8ème. J’avais chaud, j’étais probablement le mec moins stylé de la côte Ouest mais tu me connais, j’ai fini dignement pour sauver les meubles devant l’autre partie de l’équipe et “faire le job” comme on dit.
Gump: La cabane est tombée sur le chien mais le chien n’est pas mort ?
Forrest : Bah en même temps heureusement ! Une fois le relais passé au van 2 il restait plus des deux tiers de la course à réaliser. Nous avions deux heures pour se requinquer et « on the road again » mais ce coup ci de nuit, une toute autre histoire.
Gump : Arrête làààà, tu vas pas me dire que tu n’as jamais couru de nuit ?
Forrest : Si de nuit j’ai déjà fait. Je devais rejoindre un apéro dans le IIème et j’étais dans le XI ème, mais au milieu des bois à 2 heures du matin non jamais. C’est assez surprenant de courir la nuit. Tu te retrouves au milieu de rien avec pour seule ligne de mire le mec 100 mètres devant toi que tu vois clignoter avec son gilet (oui les gilets fluorescent et frontales étaient obligatoires sinon je ne suis pas certain que 100 % des équipes arrivent à destination). Alors dans une nuit plus noire que le cul d’un terreau dans une nuit sans lune, tu penses pas à grand chose si ce n’est ne pas perdre le mec devant toi pour rester sur la bonne route. Bon tu peux aussi le doubler car y’a pas de mal de bénévoles de jours comme de nuit qui te mettent dans le droit chemin si jamais… C’est aussi ça les USA, des types plantés au milieu de nul part pour te servir un ravito et du café.
Gump : Et après la nuit un dernier relais de jour ?
Forrest : Oui enfin … faut-il encore être à l’heure pour le dernier relais … Une fois passé notre deuxième relais au van 2, nous avons roulé jusqu’à la zone de relais numéro 3 .On y arrive vers 3h30 du matin et le van 2 devait arriver autour de 5h pour nous transmettre ledit relais.
Tu me suis ?
Gump : Je force mais j’y arrive oui
Forrest : De là il y avait une sorte de camping pour runner où tu dors une heure tout au plus si tu arrives à faire abstraction des nombreux Patrick Chirac made in USA et surtout si tu avais prévu le froid et le sac de couchage qui va avec. Inutile de dire qu’en bon aveyronnais que je suis, dormir avec mon zgeg et mon couteau j’ai déjà fait, c’est pourquoi j’ai laissé mon sac à un autre membre du van. Erreur, c’était un froid glacial à te faire tomber les bourses. J’ai dormi 20 mins, mais nous avons tout de même réussi à être à la bourre pour récupérer le relais du van 2.
Je peux te dire qu’on s’est employé pour finir ce bordel en beauté.
Gump : Oui enfin les Suédois ont fait le boulot pour vous?
Forrest : Ils ont beaucoup donné oui, mais nous aussi. Déjà Mathieu premier relayeur de l’équipe et parti dans la nuit noire pour remonter toutes les équipes qui nous avaient dépassé pendant qu’on roupillait. Ensuite oui le suédois ont bien fini le travail, Camille elle aussi a tout donné et puis vient mon relais, mis sur orbite par Charlotte.
Petite info, quand tu cours, il est de coutume de compter le nombre d’équipe que tu dépasses et de l’inscrire sur ton van. A la fin de la course on en était à 610… j’étais pas près.
Je me retrouve torse poil au milieu des bois, il est 10h du mat, le soleil se balade entre les sapins, je viens de passer 24h dans un van en ayant dormi 20 mins, avec des gens que je ne connaissais pas deux jours avant. A ce moment là je prends à peine conscience de la course qu’on est train de courir. Je suis sur mes derniers kilomètres et chose plutôt rare pour moi à 10h du matin, je prends plaisir à courir. ( A l’instar des sorties à 6h30 en compagnie du Mal -> Nicobrun)
Les derniers mètres sont fait en sprint pour donner le dernier relais au van 2. J’ai l’impression d’être PAB, un champion du monde acclamé par un stade entier, alors que mon finish est dégueulasse, mais je m’en branle. Notre course se termine ici, on les retrouvera sur la plage de Sea Side pour franchir la ligne d’arrivée ensemble et surtout prendre les bières qui vont avec.
Gump : A te lire on a presque l’impression que tu as un coeur, je suis ebaubie.
Forrest : Je suis le premier surpris oui ! Au delà d’une expérience sportive je me suis laissé prendre au jeu de l’humain et honnêtement c’était assez dingue.
Alors si d’habitude ici on est plutôt du style Run-Beer-Repeat, là-bas je me suis converti au Run-Cheer-Repeat.