Les médias n’en parleront jamais mais le 15 juillet 2018 une autre fine équipe française, moins connue, a elle aussi accompli « un truc de ouf ». A 2500km de Moscou, ce dimanche matin là, 6 bleus sont devenus finishers du Marathon de la Lauzière [44,5km / 2800D+]. Voici le résumé d’un match de 7h de très bas niveau au terme duquel la Savoie a rajouté 12 jambes meurtries à son palmarès.
VEILLE DE LA COURSE
J-1. Après un dernier plongeon dans la piscine et une montagne de pâtes bolo, l’équipe décolle de Brindas Plage direction Valmorel en Renault Scenic avec option climatisation-cassée. S’ensuit un voyage de 3h00 passé à se toiser et à jouer tous ensemble une grande partie de Suducul remportée haut la main par Nini.
19h30, arrivée à l’hôtel, au moment de décider des chambrées, il semble que deux groupes de niveau se forment naturellement :
Equipe 1 (Nini, Poulet & Thibaud) réveil 4h30 = Equipe des gratteurs de minutes au chrono. Philosophie dans la chambre = « moi mon objectif c’est de tous vous baiser »
Equipe 2 (Riou, Hugo & Jean) réveil 5h00= Equipe des gratteurs de minutes de sommeil. Philosophie dans la chambre = « moi mon objectif c’est de le finir »
23h00 avoir regardé la rediffusion de la finale de l’Euro 2000, les chambres 215 et 221 s’éteignent.
LE MAD’TRAIL
Jour-J, au tout petit matin, les yeux encore collés, chacun déroule sa routine de préparation. Petit déjeuner, petite pression et grosse commission.
Sur la ligne de départ, deux constats frappent tout de suite nos amis. 1) Le peu de participants. Citadins habitués à l’enfer des sas de départ sur route, ils sont presque perturbés par le calme d’un départ à 200 dossards et le café qu’on leur tend gentiment pour se réchauffer. 2) Le peu de participants sans bâtons ! Les 6 amis avaient réglé la question 4 mois plus tôt dans le groupe Whatsapp: « interdit aux bâtons les gars, c’est du trail pas de la marche nordique »!
6h00 le départ est donné, les six hommes font chanter leurs Garmin et c’est parti. Equipe 1 et 2 jouent des coudes pour partir devant avec tous ceux qui portent des visières. Au bout de 50m de course commence déjà l’ascension du Crève-Tête (7,7km / +1000m), l’Equipe 1 sort sa plus belle pelle de FDP et commence à creuser l’écart avec l’Equipe 2. « On fera le premier col tous ensemble » phrase pourtant beaucoup entendu pendant la préparation.
Kilomètre 3, l’Equipe 1 va bon train. On tente d’éviter les vaches qui dorment sur le tracé et de ne pas glisser dans leurs bouses encore chaudes. Puis après une demi heure de course, le son des cloches bovines pourtant lointain, un souffle de buffle se fait entendre au sein de l’Equipe 1… Poulet et Thibaud se retournent, c’est Nini. Il avait pourtant annoncé un mal de gorge au réveil, mais la chambre 215 avait cru à un bluff. Il semble bien pourtant que l’animal soit malade, ses poumons refusent de s’ouvrir. Poulet et Thibaud l’encouragent à se battre et échangent un regard – hmm – l’animal doit être abattu au plus vite. Les deux salopards abandonnent le malade et filent rejoindre à grande enjambées la croix de fer au sommet du Crève-Tête.
Kilomètre 8, ils prennent le temps d’admirer la vue magnifique et surtout de reprendre leur souffle. Il est maintenant temps de se lancer dans la première descente de la journée. Poulet le sait bien, c’est là le point faible de Thibaud. Il décide alors de dévaler la montagne à toute allure pour la rebaptiser « Crève-Thib ».
Thibaud se cale derrière un coureur plus raisonnable, laissant l’inconnu aux bâtons faire le sale boulot d’ouvrir le chemin et de lui montrer où poser ses appuis. A la fin d’une descente infernale, ça bouchonne à l’entrée de la forêt. Dans la file indienne qui se forme devant, Thibaud reconnaît la casquette violette du Poulet qui voulait le plumer. Il le rattrape et le salaud lui dit « je pensais pas te revoir aussi tôt ».
Sans rancune le duo court ensemble jusqu’au ravitaillement du 16ème kilomètre. On remplit les flasques, un verre de Coca et ça repart. A peine au tiers du parcours que les deux idiots ont déjà du plomb dans les jambes. Ca va mal se finir…
Kilomètre 22, Barbie le double et finira première dame, mais aucune trace de Poulet. Thibaud commence sérieusement à croire en sa chance de victoire de la course dans la course. Mais il est instantanément remis en place par la montagne qui lui retire son sourire avec une belle chute.
Kilomètre 31, son TFL au genoux droit se réveille après 4 ans de silence. Manquait plus que ça. Il fait le crabe pendant 2km de descente puis se dit que si il continu comme ça il va se bousiller le genou gauche. Au dernier ravito, il reste encore 10km à se farcir et ne peux plus courir en descente. Saleté. Il serre les dents sur le plat et les montées pour ne pas laisser l’opportunité à Poulet de le rattraper. Comme ce dernier dit souvent « quand ça fait mal, ça fait mal aux autres » !
Les derniers 300m de dénivelé sont écoeurant de difficulté. Les chevilles ne tiennent plus grand chose et le soleil de midi vient se mêler à la bagarre. Dans la dernière descente vers Valmorel, un gars le double et lui dit « Ils vont pas nous faire la blague du marathon qui fait plus que 42km quand même?! » Thibaud lui répond « ba si, c’est 44,5km sur le profil de la course ». Le mec repart dégoûté. Thibaud, le redouble dans le dernier kilomètre, il refuse de courir les 3 km en trop « putain j’en ai plein le cul ! ». Thibaud passe enfin sous l’arche orange, c’est la fin du combat, 6h43. La montagne 1, Thibaud 0.
Puis, revenu d’entre les morts, 5 minutes derrière, Nini ! « Mec j’ai croisé Poulet au 35ème je lui ai demandé « il est où cet enfoiré de Thib? » il m’a répondu « 10min devant vas-y baise le! » mais je t’ai jamais revu ».
Classement final :
Thibaud 6h43 (33ème)
Nini 6h48 (36ème)
Poulet 7h28 (59ème)
Jean, Hugo, Riou 7h36 (66ème ex æquo)
Nota: les photos de l’Equipe 2 pendant leur course laissent penser qu’ils auraient pu la gagner si ils n’avaient pas pris 1000 selfies et pillé les ravitaillements comme si c’étaient des buffets à volonté.
Quelques heures plus tard, la France devenait championne du Monde. La soirée se termina au bar restaurant Le Chamois, en présence notamment du triple champion du monde de tartiflette, de sa femme championne de France de savate, d’un chien à trois pattes et de Freddy alias Panoramix, barman et inventeur de la Minette = Ricard + Génépi.
Le lendemain, les garçons rentrent à Paris, la tête dans les montagnes et les jambes à la poubelle.