Pendant que certains se tannent à rentrer de la plage pour retrouver la joie de vivre de leurs collègues de bureau, c’est bientôt les vacances bien méritées pour d’autres. Après Mahiedine Mekhissi, nous avons pu rencontrer Dimitri Bascou, le Cristolien médaillé de Bronze sur le 110M haies lors des Jeux Olympiques de Rio. Entretien avec un athlète discret au sens des priorités bien en place.
Bravo pour ta médaille ! Alors, ça fait quoi de monter sur le Podium Olympique ?
Je dois avouer que c’est assez particulier avec le mélange des sensations en un laps de temps réduit. Avant de penser au Podium, pendant une poignée de secondes tu donnes tout, t’es au centre de l’attention de tout le monde entre le départ sur la ligne et l’arrivée alors qu’en vrai de ton côté t’es à cheval entre l’excitation et l’adrénaline. Après la course il est vrai que l’on a l’impression que tout se passe là, que l’on va rentrer dans l’arène, qu’il va se passer quelque chose mais la remise des médailles a ce côté excitant que ne peuvent délivrer les qualifications ou même la finale. C’est inexplicable.
« À Rio, l’objectif c’était de gagner »
Est-ce que tu pensais vraiment obtenir une médaille de bronze avant les Jeux ? Pensais-tu éventuellement faire mieux ou alors tu visais juste la finale ?
Objectivement à Rio l’objectif c’était de gagner. Derrière, je pense qu’en visant la lune on a des chances d’atteindre au moins les nuages donc j’ai préféré viser le summum pour avoir le maximum de chances de médailles de mon côté. Les écarts sont tellement minces que tout est possible sur une course.
Est-ce ta plus grande émotion en tant qu’athlète ?
Ouais, franchement ouais. Suivie de près avec mon record de France indoor (ndlr : ). J’ai explosé de joie au moment où je franchis la ligne et que je relève la tête pour consulter l’écran géant. Impossible de savoir où j’en suis pendant la course, mais quel plaisir une fois le chrono affiché !
Du coup, ça fait quoi de laisser Pascal Martinot-Lagarde au pied du podium ?
C’est un autre français donc cela aurait été préférable que l’on ait tous les deux une médaille. C’est dommage pour lui.
Il n’y a pas directement de concurrence particulière entre vous deux ?
Bah, si forcement il y a une concurrence particulière car on court pour le même pays et en plus de ça le niveau aux haies est dense donc ça peut se bagarrer de temps en temps. Cette année pendant un moment il était devant, notamment dans les championnats, et puis là la donne a changé à Rio.
On sait que l’Athlétisme, et la course à pied notamment, ça reste quelque chose d’assez compliqué. Pourquoi rajouter de la difficulté avec des haies ?
(Rires). Franchement je le demanderai bien au mec qui a inventé les haies. Il y a plein de critères que l’on a pas choisis par contre on le fait d’une façon qui laisse penser que l’on n’est nés là-dessus et tant mieux !
« On fait avec ce que l’on a et ça a plutôt l’air de payer »
Comme beaucoup le savent tu t’entraînes au Stade Duvauchelle. C’est une bonne école de s’entraîner avec les Portugais de Créteil ?
On dirait bien ! Vu les tableaux qui sortent de Créteil, tous ceux qui s’y sont entrainés en sont la preuve. Hormis Ladji, la plupart des possesseurs du record de France sont passés par cette piste. Du moins les derniers donc ouais Créteil a sa réputation de ramener des coureurs de haies hautes. Pourtant il n’y a pas d’installations spécifiques, c’est le stade Duvauchelle quoi (rires) ! C’est juste un stade de banlieue avec un petit coin de musculation logé dans le complexe dédié au foot. Comparé à d’autres clubs l’hiver nous n’avons pas de salle chauffée, on fait avec ce que l’on a et ça a plutôt l’air de payer.
Est-ce qu’il t’arrive de courir sur d’autres distances ?
Ben justement dans le cadre de ma préparation je fais du sprint. À l’époque je faisais un peu de longueur aussi mais j’ai préféré par la suite me focaliser uniquement sur les haies. Mais il n’est pas impossible de me voir en Indoor sur du 60m en compétition. Sinon, en début de saison il nous arrive d’aller courir une grosse trentaine de minutes pour se remettre en jambes, mais ça se limite aux 3 premières semaines.
Début octobre Nike organise le 10KM Paris-Centre. Ça te chaufferai de le faire ?
Ben ouais carrément, si je suis là y’a pas de soucis. Il Faut courir 10KM ? Sinon je viens encourager !
Et si on rajoute des haies ?
Il va falloir revoir tout mon programme alors (rires) !
Sur Jolie Foulée on fait des playlists. Tu as une référence en tête qui t’aide à te préparer ou te mettant la patate avant de rentrer sur la piste ?
Bizarrement je n’écoute pas de musique ultra rythmée pour me mettre la patate mais j’écoute de la musique d’animés japonais, enfin de mangas quoi. Le rythme posé m’aide à me mettre en condition. Détente, pas trop besoin de m’énerver étant déjà de nature assez nerveux pour envoyer sur la piste. J’ai plus besoin du contraire avant d’enfiler mes pointes.
« Le village n’avait rien à voir avec Londres en 2012 »
Pour revenir sur Rio, qu’est-ce que t’as pensé du village Olympique ? Mahiedine nous disait qu’il était assez déçu des installations. Est-ce pareil pour toi ?
J’ai volontairement voulu me voiler la face. Je voulais absolument passer un bon moment et éviter de me dire qu’on n’est pas bien ici. Peut-être que cela pouvait jouer dans la compétition. Quand je suis arrivé au village j’ai trouvé les batiments sympas, cela n’avait rien à voir avec Londres hein, mais heureusement que j’avais une chambre pour moi tout seul. L’appartement était vide mais ça me suffisait. Par contre il est vrai qu’une fois la compétition finie, la vie au village était longue quoi. Le restau n’était pas incroyable, on mangeait toujours dehors et la seule fois où je suis allé au mcdo il y a eu une panne d’électricité alors que j’étais à 10mètres de l’entrée malgré la queue interminable (rires) ! Dégouté ! J’étais en sortie de soirée et c’était un peu la récompense ultime…
T’as pu aller voir du tir à l’arc ?
Je suis allé voir un peu de Basket féminin contre les américaines, pas mal d’athlé aussi. Mais niveau billetterie c’était chiant… Donc nous n’avons pas pu aller supporter tous les sportifs de la délégation malheureusement ! Mais bon je ne veux pas voir tous les sports non plus hein (rires) !
« S’il n’y a que le plongeon qui me sauve franchement j’y vais »
La seconde place d’Allyson Felix, mérité ou véritable carotte ?
Il y en avait une qui avait plus la dalle qu’elle à ce moment là. Les gens en parlent que maintenant mais ça fait un moment que ça existe, c’est juste qu’ils le font rarement en finale Olympique. Moi si je vois qu’en finale Olympique qu’il n’y a que le plongeon qui me sauve franchement j’y vais à fond. Ce n’est pas de la triche hein ! C’est une technique comme une autre, c’est juste que t’avais faim. Y’a rien qui interdit de plonger et au contraire, j’ai trouvé ça énorme !
Il y a certains athlètes dans l’histoire du sport qui sont une inspiration au quotidien et qui t’amènent à te dépasser ?
Je pense naturellement à Colin Jackson. J’ai une configuration qu’il a beaucoup montré au cours de sa carrière : assez bon partant, bon sur le sprint et derrière qui fait des courses en rythme. Super agressif, super félin ! Il m’a beaucoup inspiré, ses courses te donnent envie d’aller vite.
C’est quoi ta définition d’une Jolie Foulée ?
C’est une foulée avec laquelle on a l’impression que c’est facile. Il faut qu’elle soit super grande, longiligne. Tout ce qui paraît simple mais qui reste difficile à faire ! Qu’on arrive à un niveau de maîtrise qui touche le plafond, Allyson Felix par exemple.
Merci à Dimitri pour sa disponibilité et ses réponses on ne peut plus franches. Un échange qui nous rappelle que pour nous aussi c’est (déjà) la rentrée, même si on aurait préféré rester en terrasse à siroter des Caïpis devant les Jeux et à se marrer en lisant les tweets de Thierry Lamarche.
Encore bravo pour ta médaille et bonnes vacances !