Jeudi 3 Juillet, 13h. Saint-Maur les Fossés. Nike nous a donné rendez-vous au mythique Stade Adolphe Chéron, sur les terres des sacro-saintes Soirées de Saint-Maur, pour découvrir son dernier modèle: la Nike Pegasus 31. Si la pelouse du stade est aujourd’hui massacrée par les footballeurs de l’US Lusitanos Saint-Maur, sa piste fut autrefois le théâtre de véritables exploits, comme le record du monde du 3 000 mètres de Michek Jazy en 1962, ou celui de Guy Drut en 110 mètres haies une vingtaine d’années plus tard. On ne pouvait rêver de meilleur décor pour s’entretenir avec un champion de la trempe de Bouabdellah Tahri, et essayer de comprendre comment il est devenu l’un des athlètes les plus emblématiques de ces dix dernières années.
Bonjour Bob, tu es l’une des foulées françaises les plus efficaces de tous les temps. Tu as entamé une transition vers des distances plus longues 5 000, 10 000 et récemment marathon. Comment vois-tu la suite de ta carrière ?
C’est une suite un peu logique. Après avoir couru sur des distances plus courtes, je voulais voir un petit peu ce que j’étais capable de faire sur du plus long. J’ai pu tester ça l’année dernière et j’ai fait des choses pas trop mal sans avoir réalisé de préparation spécifique. Ça m’a donné envie et ça m’a donné du crédit au niveau personnel pour aller encore plus fort et me préparer encore mieux pour voir ce que je pouvais faire sur des distances plus longues.
Aujourd’hui, dans le demi-fond et le fond au niveau mondial il n’y a plus de « logique ». Avant on disait: « le mec il fait du marathon, il ne peut pas revenir sur du plus court ». Alors qu’aujourd’hui ce n’est pas du tout le cas.
La preuve, j’ai fait le marathon au mois de Novembre et la semaine dernière j’ai couru un 1500m. Il y a une vraie révolution là-dessus donc c’est pour ça que ça ouvre d’autres perspectives qui peuvent être vachement plus intéressantes.
Bob a mis une casquette aujourd’hui |
Donc c’est avant-tout pour te faire plaisir?
Je veux battre le fer pendant que je suis encore chaud, je suis en pleine possession de mes moyens et j’aimerais battre mes records, faire des perfs au niveau mondial. Après la préparation elle est vraiment spécifique. C’est à dire quand tu prépares un marathon tu sais que pendant quatre mois tu vas mettre la tête dans le guidon et tu vas envoyer des bornes. Quand tu vas préparer des distances plus courtes, tu vas travailler des choses plus dynamiques, tu vas faire du sprint, tu vas faire des choses qui vont changer, donc c’est vraiment intéressant pour la suite.
La prochaine grosse échéance ce sont les Championnats d’Europe de Zurich en Août. Quels seront tes objectifs?
Je vais doubler 5 000 et 10 000 mètres. Il y a un vrai coup à jouer. Je suis bien placé au niveau des bilans européens, je suis dans les trois premiers sur les deux distances donc il y a de belles choses à espérer.
Je me prépare en conséquence depuis plusieurs mois, ça commence à devenir intéressant. Là il reste six semaines avant les Championnats d’Europe, donc on va rentrer dans la préparation qui va être intensive, mais ça s’annonce bien.
« Mo Farah, c’est de loin le mec le plus fou et le plus fort que j’ai vu »
Est-ce que le plus dur finalement ça ne sera pas de se coltiner Nelson Monfort et Patrick Montel une nouvelle fois?
Noooon. Ils sont cools, ils sont cools. Après voilà il faut faire avec les directs, c’est pas forcément facile à gérer. Mais moi je n’ai jamais eu de gros souci ni avec l’un, ni avec l’autre. Ce sont des voix de l’athlétisme à la télévision, donc ils nous ont poussé tout au long de notre carrière. Il faut prendre les choses du bon côté, c’est des supporters et il vaut mieux les avoir avec que contre nous.
Parmi tous les partenaires d’entraînement ou adversaires que tu as pu avoir, qui est le plus zinzin que tu connaisses ?
Ah! Mo Farah.
Mo Farah parce-qu’il a une capacité à prendre du plaisir dans l’entraînement et au vu de ce qu’il fait en compétition, c’est monstrueux. Il a toujours ce côté plaisir, ce côté défi à l’entraînement qui fait qu’il arrive à mettre tout le négatif à part. Et dieu sait qu’il a de la pression, dieu sait qu’il est attendu par un pays tout entier et il a cette insouciance. C’est pour ça que je me retrouve bien en lui parce-qu’on s’entend aussi super bien. Et et à côté de ça, c’est un champion qui est super humble, super tranquille parce-qu’il a ces racines africaines. Il est Anglais mais il est Africain d’origine. C’est de loin le mec le plus fou et le plus fort que j’ai vu à l’entraînement.
On rappelle que tu es médaillé de bronze aux Championnats du Monde, médaillé d’argent aux Championnats d’Europe et ancien détenteur du record d’Europe sur 3000 steeple. Quel est le plus beau moment de ta carrière ?
Au niveau émotionnel, c’est quand je fais des médailles au niveau international: aux Championnats du Monde ou aux Championnats d’Europe.
Après, le marathon de New York l’année dernière où je fais quinzième c’est très fort émotionnellement parlant. Tu fais le marathon de New York mais tu es devant. C’était mon premier marathon et c’était une effervescence incroyable. C’était dur à la fin mais c’était une belle expérience.
« Être performant jusqu’aux Jeux Olympiques de Rio »
Qu’est ce qui t’a poussé et te motive encore à courir après plus de 10 ans au plus haut niveau mondial?
Oai ça fait un peu plus de dix ans. Je suis quelqu’un de passionné et je ne regarde pas ce que je fais. Je ne regarde pas mon passé, je ne vis pas avec mon passé. Je regarde devant. J’ai été blessé pendant plus d’un an, ça a été compliqué de revenir, je suis revenu et je savais que j’allais revenir. C’était juste une question de temps, mais je veux en profiter. Pour l’instant je viens, je m’entraîne, je kiffe et c’est le plus important.
Tu fonctionnes donc au plaisir, tu ne te projettes pas un peu dans le futur?
Mon objectif c’est d’être performant jusqu’aux Jeux Olympiques de Rio, parce-que c’est un bel objectif. Là cette année il y a les Championnats d’Europe, c’est une belle rampe de lancement pour les autres années, donc il faut en profiter. Tout en restant soi-même. Tranquille. Sans se prendre pour un autre. Ni tomber dans une pression démesurée.
On a remarqué que tu as toujours été fidèle au short flottant. Toi aussi tu trouves ça dégueulasse le cycliste pour courir ?
Le cycliste en fait je le trouve bien pour faire les séances rapides. Sur la piste, sur le côté athlétisme pur.
Après c’est vrai que j’aime bien les shorts avec le cuissard à l’intérieur. C’est pas mal. Ça permet d’aérer aussi les jambes, ça permet d’avoir un petit style.
Mas bon, surtout il ne faut pas se prendre la tête. Si j’ai envie de le mettre je le mets, si je n’ai pas envie de le mettre, je porte autre chose. Le style c’est important de l’avoir, mais c’est pas l’essentiel. Ce n’est pas ça qui va te faire courir plus vite. L’essentiel c’est l’entraînement.
Quelle est ta paire de shoes favorite pour cavaler ?
La Nike Pegasus. J’aime bien. Le dernier modèle, la Pegasus 31 est vraiment bien. Celui de l’année dernière était un peu moins nerveux, mais je suis vraiment Pegasus dans mon entraînement. Je me suis toujours entraîné en majorité avec la Pegasus
« Je m’en fous d’être connu ou reconnu, médiatique, pas médiatique »
On est adepte des jeux de mots sur le blog. Quel est le plus pourri qu’on ait fait avec ton nom ?
Avec mon nom… « La source n’est pas tarie ». Oai « la source n’est pas tarie » c’était le plus bidon.
Après moi j’ai un principe c’est que je ne me prends pas la tête et je m’en fous d’être connu ou reconnu, médiatique, pas médiatique… Ce que je veux c’est être populaire, c’est que les gens m’aiment bien pour ce que je suis. Retrouver mon nom dans un canard ou dans un site internet ça fait partie du jeu. Et c’est comme ça parce-que je ne suis pas quelqu’un qui garde mes articles ou qui lit trop le journal.
J’ai un Facebook depuis pas longtemps parce-que c’est impactant, c’est un outil de communication et il faut développer son image là-dessus. Mais pour le reste je suis un peu à l’ancienne de toutes façons.
On ne fait pas le même temps, mais on a la même passion |
Le Kenya est à la course à pieds ce que le Brésil est au foot. Tu pars régulièrement en stage là-bas. Quelles sont les conditions de vie pendant ton séjour? On imagine que tu n’es pas dans un hôtel de luxe.
Oai j’ai été au Kenya, en Éthiopie. C’est difficile, ça n’a rien à voir avec chez nous, c’est quand même plus roots. C’est à l’ancienne. Ça permet aussi des fois de mettre les yeux en face des trous sur certains trucs de la vie. Tu vois, ici on est vachement plus stressé, ils ont pourtant plus de problèmes que nous. Ils ont une espèce de résignation positive qui fait qu’ils arrivent à passer les épreuves. Donc j’essaye de continuer d’aller là-bas, d’apprendre sur moi-même, parce-que ça te permet d’avoir du recul sur certains trucs. Franchement ce sont de belles expériences. Parce-qu’à chaque fois que tu y vas tu prends deux-trois ans en plus et ça te permet de voir l’avenir sereinement.
As-tu déjà pris un bain dans la rivière de steeple ?
Ah non. Dans une rivère normale au Kenya oai, mais dans une rivère de steeple non. On m’a déjà balancé dedans, je suis déjà tombé en compète mais je ne m’y suis jamais baigné. Ça pourrait être jouissif: le mec il fait une perf, il va dans l’eau. Mais c’est derrière moi ça. Je regarde devant.
Merci beaucoup pour ta disponibilité Bob. Pour terminer, peux tu nous donner ta définition d’une jolie foulée ?
Il faut qu’elle soit efficace.
Le style c’est important, mais l’essentiel c’est l’efficacité. Tu peux faire ce que tu veux, il y a des mecs ils ont des sales foulées et ils envoient la sauce. Tu te fais doubler des fois par des mecs, j’ai des potes à qui ça arrive, ils se font doubler par des mecs pendant un marathon, il ne ressemblent à rien, et les mecs ont une foulée super efficace. C’est ce que je disais tout à l’heure, ce n’est pas parce-que tu ne poses pas ton talon que tu vas aller plus vite.
Donc l’efficacité c’est beau quand même.
Retrouvez notre test de la Nike Pegasus 31, si chère à Bob Tahri.