Qui n’a jamais rêvé de grimper un tremplin de saut à ski ? Personne ? Normal. L’idée est zinzin. Et comme souvent, ces sauteries sont imaginées par le taureau rouge. Pour déguster les 400m dont 185m de D+ au menu, le rendez-vous est pris à Courchevel. Mais pas le Courchevel des cartes postales hivernales et autres reportages Zone Interdite « Drogues, putes et ski alpin, l’hiver choc des secouristes des stations ». Non, là on parle du village fantomatique d’hors saison qui est d’ailleurs bien plus charmant avec son calme, ses montagnes nues et ses sentiers escarpés sous les télésièges éteints.
Aménagé pour l’occasion, le tremplin olympique K 120 revêt entre autre un énorme filet de cordes à faire rougir Olivier Mine aux abords de son fort. Et heureusement qu’il est là parce qu’à part un Thibaut Baronian en grande forme qui s’imposera en fin d’après-midi, le quelque millier d’artistes de la journée s’accrocheront de toutes leurs forces à ces maudites cordées. Après 6h à patienter la queue entre les jambes, Romain, le cobaye du week-end, se présente sur la ligne de départ. Autour de lui, 30 mecs affûtés qui ne sont clairement pas venus acheter du terrain. Pour nous, la prépa s’est restreinte aux dernières Secret Race Series… Le GO est soudainement donné avec un sprint de 100 mètres pour rejoindre le début de la fin de la zone d’atterrissage. Commence alors la montée infernale aka « K-Zone » aka « comment faire passer le cardio à 180 en 10 secondes ». La portion du 100m au 200m avoisine les 36 degrés, la tête se cale dans le guidon et les mollets chauffent. Pas le temps de réfléchir puisque ça continue à grimper fort jusqu’au 300m où on se redresse progressivement pour apercevoir la plateforme en bois, manufacturée sur mesure, qui relie enfin le tremplin. On sentirait presque alors l’envol d’Adam Malysz « Le Magicien » (fallait être branché sur Eurosport en 2003, mon pote).
À ce moment, tout le monde est au rupteur et les premiers commencent à manquer de carburant. Conscient que l’effort est à fournir maintenant, Romain relance tant bien que mal sur l’ascension finale en grattant quelques gars en perdition totale. Les derniers mètres sont étroits et tout aussi abruptes, les insultes pleines de hargne pleuvent et il faut se hisser sur la ligne pour franchir l’arrivée à bout de souffle où les finishers s’entassent dans 3m2 pour respirer. Là, certains se payent une galette 4* dans les contrebas du tremplin, bogoss. Le temps de se relever avec le combo goût de sang dans la bouche et jambes tremblotantes, on se cale dans la cabine pour voir les résultats : 5’45 pour notre novice qui termine 15e de sa vague, qui sera la plus rapide de la journée. Après coup, Romain ratera les repêchages à 20 secondes près mais dans le fond on se dit que c’est peut-être la meilleure nouvelle de la journée tant la finale sera impossible à chercher avec une qualif’ autour des 4’20. Finalement, c’est donc le cabris français Baronian qui ira conforter son propre titre au milieu d’un groupe principalement composé de traileurs endurcis. D’ailleurs, il s’accordera même l’amélioration de son record de France d’une seconde pour 3’26. Pas de regrets donc, mais l’envie de chercher le titre en relais avec la bande l’an prochain.