Bron, la ville la plus sportive de France avec son superbe Parc de Parilly, ses quartiers mal famés des UC et de Teraillon et son mythique stade Pierre Duboeuf où certains des membres de la team Jolie Foulée ont passé leurs épreuves de sport pour le bac. C’est dans cette banlieue lyonnaise que se tient le mondial vétéran d’athlétisme 2015. On est allé assisté à l’épreuve du 5000m de la catégorie homme 65-69 ans de cette compétition particulière. Rencontre avec des vieux qui ont encore la gnac !
La sono crache à fond le son de Cindy Lauper, « Girls just wanna have fun ! » pourtant c’est bien les messieurs qui se font plaiz sur la piste du stade Duboeuf en ce jeudi après-midi caniculaire. 39°C au thermomètre, alors les anciens ne se privent pas de s’hydrater, on a bien retenu la leçon de 2003… Venus des quatre coins de la planète (Algérie, Allemagne, Australie, Pays-Bas, Russie, Canada, Argentine, France, Espagne, Italie, Finlande, Etats-Unis, etc.), ces sportifs aux looks complètement zinzins composés d’accessoires vintage, de maillots officiels de leur pays et de baskets dernier cri sont prêts à en découdre.
A la fin de la première série du 5000m, on se dirige vers celui qui fait figure de « grande gueule » dans cette bande qui vient de cavaler, Papy Nash, son bandeau, sa barbichette et son accent québécois sont très contents de nous raconter leur histoire. « Je suis un ancien enseignant, ça fait 18 ans que je suis à la retraite ! Je viens de Shawinigan, Canada, pour participer au 5000, au 10000 et au semi-marathon. J’ai déjà remporté la médaille d’or aux championnats d’Amérique, j’avais 66 ans. Aujourd’hui j’en ai 69, je suis dans les plus vieux, c’est ma fête aujourd’hui, je suis né un 6 août ! Mon nom c’est Papy Nash, tape sur Google, tu connais Google ? Tu vas tout trouver, mes livres, y’a même une course qui porte mon nom ! Les gens nous ont super bien accueillis en France, depuis Orly jusqu’à Bron, tout le monde nous aide, c’est du gâteau ! Aujourd’hui c’était très dur, 39 degrés, pas de nuage, chez nous il fait 18 en général… T’as bien vu j’ai pris une gorgée à chaque tour ! A 65 ans je pesais 200 livres, j’ai arrêté de manger des biscuits, de boire de la bière, en 11 mois je suis descendu à 125 livres (ndlr : démerdez vous pour la conversion, on a la flem !) et j’étais sélectionné pour représenter le Canada chez les vétérans, du jamais vu ! Ma chambre c’est la 304 au Novotel, j’y suis jusqu’au 16 août, si tu veux que je continue à te raconter mon histoire, tu te débrouilles, tu viens ! » Merci Papy Nash !
Dans un tout autre style, Alan Davidson, cheveux et barbe blanche a l’air d’un vieux sage. On l’intercepte à la fin de la course mais il fait signe qu’il lui est impossible de parler, marqué par l’effort intense qu’il vient de fournir. Il arrive de Porthsmouth dans le sud de l’Angleterre, c’est à 40 ans qu’il a commencé à courir pour garder la ligne, il s’est mis à participer à des compétitions, il a kiffé et aujourd’hui à 68 ans, il est venu s’aligner au cross et au 5000m sur ces championnats. « J’ai couru à travers toute l’Europe, en Espagne, en Slovénie, je faisais des marathons, maintenant je me contente du semi. Courir me permet de voir mes amis, de garder la forme mais surtout j’adore voyager, quand je participe à un meeting, je visite. ». Alan n’est pas un grand bavard, souriant, il force un peu sa nature pour discuter avec nous de sa voix posée, on lui demande son chrono avant de le laisser tranquille : « 25 minutes et 16 secondes, je suis allé doucement avec cette chaleur… ».
Seth Birgmann lui est allé plus vite, il a terminé deuxième de sa série en 20 minutes et 55 secondes. Depuis ses 17 ans, il pratique le fond et le demi-fond (1500m à semi-marathon) et à 65 ans il participe à ses 5ème mondiaux chez les vétérans ! Arrivé des environs de Philadelphie, Seth ne s’est jamais lassé de son sport et continue à s’entrainer à un rythme soutenu : « Je ne peux plus courir autant qu’avant, je ne fais que 4 séances de course à pied par semaine mais je complète avec du vélo et de la natation… ». Pourtant quand on lui demande d’expliquer sa longévité, deux mots lui viennent spontanément : « recovery and rest », récupération et repos. « Je voudrais au moins courir jusqu’à mes 70 ans. J’adore affronter ces athlètes phénoménaux, j’ai vu des gars de 90 ans courir, ils sont tellement inspirants… » Seth voudrait presque nous faire croire qu’il est jeune ! Dimanche, dans 3 jours, il s’alignera sur le 10000 puis il ira nager quelques jours à Nice. Il reviendra à Bron pour les séries du 1500m avant d’aller du côté de Bourg Saint Maurice, il foulera la piste de Bron une 4ème fois s’il se qualifie pour la final du 15 et terminera son voyage à Paris. Sa paire de Nike Mayfly autour du coup, le cainri nous sert la main avant de partir se reposer et on lui souhaite bonne chance pour la suite de son programme.
Le temps passe mais on ne se lasse pas du spectacle offert par ces ancêtres, ça ne va pas toujours très vite mais leur détermination et leur courage sont impressionnants. Loin des problèmes de dopage et encore plus loin d’un quelconque intérêt financier pour les participants, ces championnats constituent un très grand moment de sport. Les gestes de fair play se multiplient, les concurrents s’encouragent entre eux, on se passe les bouteilles d’eau pendant la course, les accolades à l’arrivée sont chaleureuses et la photo souvenir entre participants semblent être une tradition qu’aucun d’entre eux ne néglige. Ces mecs ont tout simplement la classe et imposent un immense respect. Ca donne envie de courir jusqu’à la mort mais bordel ça veut dire qu’il nous reste un paquet d’années à nous casser le cul à l’entrainement !!