LES SECRETS DU LAB FOOTWEAR THE NORTH FACE

Il y a quelques jours, nous avons été invité par The North Face pour visiter leur lab de recherche et développement du Footwear chez All Triangles. Situé en France, à Annecy, capitale de l’Outdoor Sports Valley, c’est là où toutes les paires de la marque sont conçues pour le monde entier. Chose rare pour être soulignée, surtout pour une compagnie américaine de cette importance. Pour la première fois chez Jolie Foulée, nous avons eu la chance de découvrir tout ça de l’intérieur. En accédant au laboratoire de recherche, de design, de conception et de tests, nous pouvons vous dévoiler certains des secrets les mieux gardés de la maison. On pourrait vous dire tout ce qu’on a appris sur la gamme Vectiv, sa plaque carbone, son empeigne Matrix, sa durabilité, le nombre de prototypes nécessaires pour arriver à la version finale, les tests par les athlètes… Mais tout cela sera bien plus clair venant de la bouche de l’homme qui a monté tout ce projet de zéro, Jean-Marc Djian, accompagné de l’ensemble de l’équipe de l’agence annécienne All Triangles en charge du développement footwear pour The North Face pour le monde entier.

Julien Traverse & Pierre Minary, All Triangles avec Jean-Marc Djian, The North Face
Jean-Marc Djian et les deux pires interviewers de Jolie Foulée

Jolie Foulée : Bonjour Jean-Marc pour commencer, comment vas-tu ? Dans quel état d’esprit es-tu en ce moment-même ?

Jean-Marc Djian : Je vais très bien, je ressens un mélange d’incroyable excitation et de fierté de voir comme ça fonctionne. Avec les gens surtout. On a vu la partie produit, mais le plus intéressant, le plus étonnant et le plus dur pour moi c’est de manager sur plusieurs Continents des équipes, de Denver à ici. De manager cette passion, cette envie de réussir. Manager les egos, les personnalités. Donc Zoom ne m’a pas tué.
La seule chose qui est étonnante c’est qu’hier je cherchais mon passeport et je ne l’ai pas trouvé. J’ai l’impression qu’il y a eu un an et demi blanc. Et entre temps il y a eu un lancement de produits assez étonnant.

Comment ça se fait qu’une marque aussi Globale que The North Face ait décidé de développer tout le footwear Monde à Annecy ?

L’innovation se fait ici, tout simplement. Pour aller chercher les gens qui étaient capables de le faire dans un temps très court et très rapide. Il y a beaucoup d’expertise en Europe dans le footwear et dans l’Outdoor. L’Amérique du Nord c’est très axé Athletics & Lifestyle. La partie Outdoor est très très forte pour la conception en Europe. C’est une anomalie positive. Ce qui est incroyable c’est d’être une marque leader, d’avoir des moyens comme ça, et de penser très vite, et en se demandant quel est le moyen le plus efficace et le plus rapide pour réussir ? Et c’est ce qui s’est imposé le plus rapidement.

En parlant d’innovation, quelles sont les principales caractéristiques dans la gamme Vectiv ?

Il y a quelques territoires dans le monde qui ont des spécialités. Il y a Montebelluna, en Italie, il y a Portland et maintenant Annecy. Ici il y a l’Outdoor Sports Valley et il y a une vraie connaissance, une vraie pépinière de petites et plus grandes entreprises qui ont cette connaissance.

Après pour ce qui en est de l’innovation, il a fallu revenir à ce qu’est l’essence de la marque. Et la marque c’est l’innovation. C’est Never Stop Exploring. Donc quand on parle de trail, on va chercher l’Ultra, et quand on va chercher l’Ultra et bien il faut tenir 20h pour les meilleurs, 45h pour ceux qui veulent terminer. Et donc chaque centième, chaque pourcentage compte pour y arriver. Tout le travail est de déterminer ce qui fait qu’un produit peut être encore plus efficace, plus durable et optimiser sa capacité de fonctionner dans l’outdoor et dans les terrains engagés. Il y a eu beaucoup de protos et donc rapidement la technologie Vectiv a émergée. Avec la plaque carbone qui est en 3D, qui permet la stabilité, et le forum Momentum couplé au rocker. C’est cette conception là qui nous a rapidement impressionnée et qui a marchée en test. Quand je parle de test, nous opérons avec des tests terrain, du retour d’athlètes, du retour du commun des mortels et des données laboratoire. On a breveté la technologie et aujourd’hui elle fonctionne très bien en trail. On a pleinement conscience  que sur trail longue distance on marche la moitié du temps. Donc  c’était important pour nous que ce qui fonctionne en trail aujourd’hui marche aussi en fast hiking. Et la techno a permis d’amener ça.

L’arrivée du carbone dans les semelles est un sujet qui fascine nos lecteurs et qui crée beaucoup de débats. Même si les résultats sont prouvés, on a l’impression que parfois c’est aussi un phénomène de mode. Comment The North Face s’inscrit dans cette tendance ? À quel moment du processus vous vous êtes dit, il faut qu’on fasse du carbone ?

Alors ça c’est fait de manière vraiment organique. On a observé, testé et on a la connaissance de l’Ultra. On a vite vu qu’il y avait trois groupes : ceux qui voulaient gagner, ceux qui voulaient performer et ceux qui voulaient finir. Et puis 40% des gens qui ne finissaient pas. Et rapidement quand on a commencé à paramétrer les produits, on a fait des tonnes de protos et on a lancé 15 types de configurations, avec du TPU, en ouvrant des boules, avec du pibax, avec du carbone, et rapidement quand on a testé on a vu ce qui intéressait dans l’ultra performance. Du gain de poids, la transmission pour des gens qui avaient déjà un pied incroyable, ceux qui voulaient plus de durabilité mais quand même de la puissance. Et puis ceux qui allaient passer plus de temps, qui voulaient un stack plus grand, qui voulaient un produit plus forgiving.
L’anecdote c’est quand j’avais les protos carbone, je me retrouve à Hong Kong pour des visites aux usines, et je vois le premier Breaking 2 de Kipchoge à la télé. J’ai remarqué qu’il le faisait avec des plaques carbone. Comme on avait posé des brevets avec une plaque positionnée différemment, en 3D, qui maintenait le rocker en place, je me suis dit « ouahhh en fait on est exactement au bon endroit ».
Et maintenant je suis toujours surpris parce-que tout ce qu’on a fait c’est bien plus large que ça et à chaque fois on parle du carbone. Mais tant mieux.

Vous n’avez pas copié la tendance donc ? C’est quelque chose que vous aviez déjà dans les tuyaux ?

Non, on avait exploré et retenu cette option depuis le début. On est vraiment parti dans nos directions, dans nos convictions avant que le marché se transforme. Après c’est marrant parce-qu’en interne quand on a montré le carbone, les gens étaient figés aussi « Ah c’est du carbone, c’est incroyable ! » Et après il y a toujours des signaux faibles et des besoins latents. Quand Nike arrive avec ça on sent que tout le monde a envie de la même chose en même temps. Dans l’innovation c’est souvent ce qu’il se passe, dans plein de domaines. C’est un mouvement de consommateurs.

Le processus de développement d’une chaussure, de sa conception à sa commercialisation, combien de temps ça prend et comment ça se passe ?

Là on l’a fait en accéléré, ça a pris à peu près deux ans. Pour amener des innovations, une gamme plus grande, ça prend un peu plus de temps. Mais ça vient aussi de l’expérience des gens, du fait d’avoir un labo qui permet de prototyper aussi rapidement, d’avoir des boucles, d’avoir une connaissance et se faire confiance. Donc ça prend entre 18 et 36 mois. Là on est un peu entre les deux, sur du 24 mois. Le produit est nouveau, innovant, jamais fait et breveté. Mais c’est aussi un assemblage de technologies connues qui permet d’avoir pris des raccourcis.

J’imagine que la phase de tests est importante. Quel processus vous suivez pour tester le produit ?
Il y a des boucles de prototypage. À chaque fois qu’on a un proto on le met en test terrain, en test labo, on debrief, on change, énormément sur la semelle, sur l’aspect confort. Ici il y a eu plus de 6 ou 7 boucles de prototypage quand normalement il y en a 3 ou 4. Et au delà de ça il y a eu tout un travail de service aux athlètes. C’est à dire des tests avec des athlètes sur certains événements. Donc là il y a eu et il y a toujours une très grand emphase sur l’aspect prototypage, test, debriefing, boucle, avec un ligne qui est « maintenant il faut qu’on finalise, étant prêt ou pas ».

Du coup vous utilisez les retours des athlètes pour affiner les produits avec ces feedback ?

Oui. Avec l’équipe de Denver, avec l’équipe Innovation ici, il y a énormément de boucles et puis après il y a des jalons pour définir où est-ce-qu’on en est. À l’ancienne : coûts, performance, délais. Boom. On en est où ? C’est pour quelle saison ? Est-on capable ou pas ? Quels risques prend-on ? C’est quoi la prochaine ? Doit-on continuer, doit-on arrêter d’innover ? Parce-qu’ici chez All Triangles, les gars ils arrêtent jamais. Ils sont jamais contents. Et il y a un moment, oh c’est bon !

Rien à voir, mais pourquoi tu n’as pas voulu venir courir avec nous ce matin?

Ahaha (rires) ! Alors pour deux raisons.

La première c’est que j’ai terminé à une heure du matin hier soir et ce matin j’avais deux grosses réunions. La deuxième c’est que j’ai toujours peur d’être ridicule quand je cours. Mais c’est promis qu’ici ou à Lyon on ira courir ensemble.

Et pour finir, la question que l’on pose à tous nos invités, quelle est ta définition d’une jolie foulée ?

Quand tu me dis ça j’ai en tête Zola Budd. Je l’avais découverte aux Jeux Olympiques, pieds nus, ce qui est marrant car je fais des chaussures. La pureté, les segments magnifiques, l’impression de fouetter le sol, de sauter. Mon fils fait du hockey, j’aimerais bien qu’il ait une jolie foulée comme ça. La jolie foulée c’est aérien, c’est magnifique, ça ne touche pas le sol. Zola Budd.

Un grand merci à Jean-Marc, à The North Face et à All Triangles de nous avoir ouvert leurs portes, et nous raconter avec passion la superbe aventure du développement footwear à Annecy, pour une marque internationale de grande ampleur.

© photos Antoine Mesnage

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