Jeudi 2 Avril, 15h50. Au lendemain d’une sale journée passée avec des poissons collés dans le dos, Jérémie embarque dans le vol AY0876 opéré par la compagnie Finnair pour s’envoler vers d’autres cieux. Plombée par des chronos pathétiques à répétition lors de courses importantes, la team Jolie Foulée a sévi en envoyant le jeune homme à l’hygiène de vie déplorable dans un training camp intensif. Dans un pays où on se les caille et où l’on mange du renne au petit déjeuner. Dans le pays du championnat du monde de porté de femmes. En Finlande. Le coach Arska Petinen, préparateur physique de l’équipe handisport de ski de fond finlandaise, l’y attend avec un programme au poil basé sur des méthodes d’entraînement bien locales. Partez à la découverte du tout premier épisode des carnets de voyage running de Jolie Foulée.
Jour 1 – Vendredi 3 Avril
Une préparation digne de ce nom passe d’abord par une musculation adaptée. Devant les difficultés de son cobaye à tenir plus de 15 minutes en gainage, coach Arska décida de commencer le camp par une demi-journée dans la forêt de Mustalampi. Au programme, déboiser tout un pan de forêt à la hâche, avant d’instaurer le régime nutritif réservé aux sportifs de haut niveau locaux : saucisse-papier cul en guise de déjeuner. Après être passé à deux orteils de finir le séjour congelé au fond d’un lac en ayant voulu le traverser, Jérémie est traîné dans une séance de côtes sur les fameuses pistes de ski de fond du quartier de Viiki. Malgré la température hivernale, les deux sportifs sont lancés tel Mikko Hirvonen à une allure de fous furieux au beau milieu des sapins et bouleaux finlandais. La récupération n’étant pas à prendre à la légère pour le préparateur autochtone, il envoie Jérémie se ressourcer au sauna, avant de le sevrer en ne lui permettant de siffler qu’une seule bière.
Jour 2 – Samedi 4 Avril
Réveil à l’aube à 9h30 du matin à Helsinki tandis qu’à 2630 km de là, Lionel vient tout juste de rentrer pas très frais du Carmen avec Cedric G, la terreur batave. Pas le temps de s’apitoyer sur son sort, Arska Petinen expédie Jérémie sur le champ de bataille : le stade de Latokartano et sa piste tout juste rénovée. Sous le regard impitoyable du coach, le courageux (ou l’inconscient) enchaîne les tours de l’arène bien trop vite au regard de ses véritables capacités. Il laissera ses tripes et sa fierté sur les graviers finlandais. Le deuxième round se déroulera au vertigineux sautoir de Herttoniemi. Sa méthode ayant fait ses preuves auprès des jeunes pousses finlandaises malvoyantes, Arska l’applique à son poulain qui n’est pas au bout de ses peines. Gravir et dévaler le tremplin abrupt dix fois de suite avec 10s de récupération entre les séries. Ça glisse, ça grimpe, c’est dangereux, mais ça le coach s’en fout. On ne progresse pas en chourant le bien du voisin*. Finland man is like this. La séance se termine avec un 15K dans les bois à une allure de 4’10 » au kilo. Les saucisses ingurgitées la veille font l’effet d’une bombe à retardement. Bienveillant, le coach accorde une pause dans ses waters favoris, bien cachés au beau milieu de la forêt. Le proverbe scandinave « C’est le water qui cache la forêt » prend alors tout son sens.
La longue journée se terminera avec un concours de sauna à l’issue regrettable. N’ayant pas pour projet de ménager son stagiaire, coach Arska démarre la bête à 75 degrés et verse de l’eau sur les pierres chaque minute. La température grimpe aussi vite que Sasha Grey aux rideaux. Et ce salaud de préparateur physique a fermé la porte à clé. Au bord du coma, Jérémie est tiré hors du sauna qui affiche alors 108 degrés. Échouant à deux ridicules degrés du record du monde. Diable, que le sport est cruel.
Jour 3 – Dimanche 5 Avril
Mal remis de son coup de chaud, Jérémie ne sera pas en mesure de manger de kilomètres le dernier jour de ce camp d’entraînement décidement réservé aux bonhommes. À défaut de lui faire travailler les jambes, coach Petinen décidera de le faire progresser dans la tête. Il l’emmène se prosterner devant la statue du légendaire Paavo Nurmi. De 1920 à 1934, le Finlandais volant établit 22 records du monde, du 1500m au 20 000m, et remporta 12 médailles olympiques. D’une maladresse affligeante, Jérémie fait vaciller le socle de la fierté scandinave et manqua tout juste de la faire s’éclater au sol en voulant prendre une photo souvenir. Suite de la partie culturelle avec la visite du Stade Olympique d’Helsinki, théâtre des JO de 1952, qui hébergea aussi les premiers championnats du monde d’athlétisme de l’histoire en 1983, puis en 2005 (Ladji Doucouré médaillé d’or sur 110m haies, mais oui !). L’écrin accueillit enfin les Championnats d’europe 2012 avec un retentissant doublé français sur 100m de C. Lemaître et J. Vicaut et vit la victoire de Mahiedine Mekhissi sur 3000m steeple. Retour au camp de base pour la fin de la journée avec 1h30 de renforcement musculaire.
Lessivé après trois jours d’une rare intensité, Jérémie ferme la page du premier City Guide Running Jolie Foulée le Lundi 5 Avril en laissant ses jambes dans la forêt finlandaise. Après dix bonnes journées de récup, il espère redorer son blason lors de la redoutable Ronde Forestière du Sommail.
Ruma poron muna. Moi moi Finland.
*Alerte contrepèterie