I) Lancement du projet
14 juin 2018, Thibaud St Bernard et son équipe d’envoyés pas très spéciaux, brisés par le Mad’Trail, rentrent de Valmorel la queue entre les jambes et les jambes entre la vie et la mort. Dans le train du retour, forts de leur nouvel échec, ils cherchent leur prochain défi pour se tirer la bourre et pour continuer à tirer un peu plus encore la course à pied vers le bas. Ce qui ne les tue pas, les rend plus cons ! Leur syndrome de Stockholm les amène tout d’abord à envisager un ultra-trail mais très vite, ils se rappellent ce qu’ils sont vraiment: des lâches. Ce sera donc un marathon et un marathon sur route ! Paris n’est pas propice à préparer un Trail, ras le cul des entraînements d’écervelés aux Buttes Chaumont, que les 250 marches du Sacré Coeur aillent bien se faire foutre !
Pour la destination, quelques-uns dans la bande plaident pour une course à l’étranger, ils disent vouloir « en profiter pour se faire un weekend entre potes dans une ville sympa ». Gros mytho, ils veulent juste se la coller sévère, sans leurs meufs sur le dos, une fois la médaille au cou. Reste à donc à trouver la destination… Berlin ? Trop cliché. New York ? Trop cher. Boston ? Pas assez forts. Rome ? Rome !
II) La préparation
Comme toute la team Jolie Foulée avant lui, le temps était venu pour Saint Bernard de mettre son destin entre les mains du Coach Nibrun. Thib souhaitait viser 3h12 mais le Coach en décide autrement, ce sera 3h10, pas le choix. Début novembre, il reçoit dans sa boite mail le célèbre plan d’entrainement pour tout niquer sur Marathon. Il signe et s’embarque dans un merdier de 4 sorties hebdomadaires pendant 10 semaines, le tout pour 545km TTC.
Côté préparation, les 6 autres mal-fêtards sont très hétérogènes. Les triathlètes Nini et Poulet ont plus de blessures que de sorties longues à leur actifs. Hugo, l’ancien joueur de water-polo suit le plan mais snob les entraînements en côte du samedi matin « je peux pas, j’ai piscine ». Jean se contente de jouer au foot 3 fois par semaine. Philou fait 2 sorties hebdomadaires et des périostites. Et enfin, Riou, fidèle à lui même, préfère arriver pas-pré que suivre une prépa, « c’est dans la tête, mec » !
III) La course
Dimanche 7 avril 2019, une pluie fine tombe sur la capitale italienne, les 10.000 participants du Maratona Internazionale de Roma grelottent sous leurs sacs poubelles et les pavés de la capital sont prêts à briser des chevilles et des destins. 8h35, le sas BLU s’élance, la course attaque direct par un virage en épingle suivi d’une montée à la con. Le ton est donné, ce Marathon n’est ni pour les faibles ni pour les records, les 7 amis l’avaient découvert APRES s’être inscris…
Dès le premier kilomètre, cet enfoiré de Saint Bernard qui aime raconter partout qu’il vaut mieux courir seul que mal accompagné se trouve une place dans un groupe, blotti entre 4 meneurs d’allure. Son objectif « 3:10:00 » épinglé sur leurs débardeurs jaunes. Trois-heures-dix, trois petites syllables qui ont rythmés les 2 derniers mois de sa triste vie, saoulant tout le monde sur son passage. Alors pas moyen qu’il laisse ses 4 ritals s’échapper avec leurs ballons de baudruches accrochés dans le dos, il est parti avec eux, il lui faudra arriver au bout avec eux !
Les 10 premiers kilo passent très bien, la pluie cesse enfin et la météo devient parfaite, 12 degrés, ciel couvert, pas de vent. Jusqu’au semi rien à signaler, Thib contrôle l’allure tous les 5km et ingère un demi Gel Maurten tout le 7. Une routine imposée par le Coach Nibrun qui lui permet d’avoir des objectifs à court terme pour ne pas trop penser à tous les kilomètre de pavés qu’il reste encore à se farcir.
Arrivé au semi au bout d’1h33min28 avec plus de 1min30 d’avance, Thib est un peu perdu dans sa stratégie de course. Doit-il laisser filer les meneurs d’allure pour ne pas risquer de se cramer ou leur faire confiance pour atteindre son objo ? Il décide de rester collé à leur basques et, les yeux plus gros que les jambes, ose imaginer qu’il va peut-être même faire 3h07 (débile).
Son premier marathon remontant à 2017, il avait oublié qu’il n’y a pas que les 7 derniers qui piquent. Ceux du 30 au 35eme sont biens des enculés aussi. Les cuisses sont en feux, les doigts de pieds tirent la gueule et la glace au chocolat de la vieille ne semble plus une si bonne idée…
Il est temps de faire appel au mental, un dialogue interne se met en place : « 35 minutes à tenir, c’est même pas le temps de la plus petite séance du plan – Tu restes avec eux jusqu’au 40ème, ils sont pas plus fort que toi (surtout lui là qui va exploser d’une seconde à l’autre) – Tu as trop ouvert ta gueule, c’est 3h10 ou rien« . Sous les pavés la rage !
Au kilomètre 40, les pacers ralentissent sévère pour déposer tout le monde à l’heure prévue sur la ligne d’arrivée. Thib a les cuisses en compote mais il décide d’arrêter de piétiner et se force à reprendre une foulée potable. L’idée fonctionne, la douleur dans les jambes se déplace et ça lui permet d’accélérer un tout petit peu sur les derniers 500m.
IV) Le tiercé
Rome ne s’est pas faite en un jour et encore moins en 3h :
- Tito San Bernado – 3h09min30
- Mariou – 3h24min29
- Ugo La Capra – 3h25min47
- Nicola Riga – 3h30min05
- Filippo De Suzzoni – 3h40min33
- Camillo Pollo – 03h46min05
- Giovanni Del Piero – 4h14min30
V) Les chiens errants
Le temps de retrouver des couleurs au soleil et Jean, notre voiture balek’, arrive : « je me suis d’abord fait doubler par toute les petites meufs puis tous les chauves puis après par le premier des handicapés mais lui je l’ai rattrapé à la fin…« .
A nouveau réunies, les 14 jambes courbaturées partent s’offrir un massage gratuit. Puis vient l’heure tant attendue d’aller foutre en l’air 2 semaines de sobriété. La bière tiède d’après marath’, la boisson des dieux de l’olympe.
Les 7 gitans du Marathon de Rome peuvent enfin reprendre le cours de leurs vies et faire ce qu’ils font de mieux, boire jusqu’à être trop cons pour réussir à trouver où faire la fête un dimanche soir. Sept chiens errants, cherchant une soirée imaginaire à grands coups de Uber vers nul part, perdus sur la Route du Rome.