Nouvelle rubrique sur Jolie Foulée : « On refait la course » avec Nico Sacomano qui va revenir sur certaines épreuves qui n’ont pas forcément marqué l’histoire de la course à pied mais sur lesquelles on va s’attarder un peu. Après le Marathon des Champtionnats du Monde à Paris en 2003, second épisode : direction l’Italie pour le marathon des championnats du monde 1987 à Rome.
Rome, 29 août 1987.
La 2e édition des Championnats du Monde d’athlétisme s’est déroulée au Stadio Olimpico. 2e jour de la compétition, les athlètes féminines s’apprêtent à prendre le départ d’un marathon particulièrement étouffant avec une température avoisinant les 27 degrés.
Un taux d’humidité à effrayer Cédric Ganguia mais certainement pas la jeune employée de mairie de Saint-Etienne, récente championne de France du 10000m, Jocelyne Villeton.
Jocelyne va créer la surprise grâce à une stratégie de course souvent plébiscitée par le coach Nibrun : le négativ split qui consiste à courir plus rapidement la 2ème partie de course que la première.
Nous avons eu la chance d’interviewer Jocelyne, 33 ans après, qui revient sur sa course incroyable et sur la seule médaille française sur marathon lors de championnats du monde d’athlétisme depuis la création de cette compétition.
Bonjour Jocelyne. Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Pourquoi l’athlétisme ? On a lu que c’était suite au chômage dans les années 80 ?
Jocelyne VILLETON née en 1954 à Vals les Bains (07) dans une famille stéphanoise (je suis la seule à être née en Ardèche) de 5 enfants. J’ai commencé l’athlétisme en 1970 au CASE (club athlétique de Saint-Etienne), actuel Coquelicot 42. J’ai commencé à courir parce que ma soeur faisait de l’athlétisme et qu’elle m’emmenait régulièrement au stade. J’étais endurante mais je n’avais pas de vitesse et aucune aptitude au sprint donc je me suis concentrée sur le demi-fond.
J’ai fait des rencontres sportives d’athlètes internationaux lors de vacances en Lozère qui m’ont »boostée » et j’ai décidé de m’investir à fond dedans suite à une période de chômage et surtout après la naissance de mes enfants.
Comment as-tu préparé le marathon des championnats du monde de Rome ?
Ce fut hard. Début 1987, lors d’une course de préparation (semi Bourg en Bresse) un coureur me bouscule au départ et je me retrouve, sans avoir pris le départ, à l’hôpital avec une fracture de la tête de l’humérus et double claquage biceps et triceps !
Je décide quand même de partir en stage prépa 2 jours plus tard pour la Coupe du Monde de marathon et je m’entraîne avec le bras immobilisé. Je participe à la Coupe du monde un mois plus tard tout juste remise et je chute au km 12. Donc pas de minimas et je dois donc recourir un marathon en juin et ça sera celui des Hauts de Seine. Je gagne et donc sélectionnée aux Championnats du Monde. Je fais une préparation entre Font Romeu, Mende (Lozère) et 15 derniers jours sur les bords du lac d’Annecy où je m’entraîne en plein soleil pour être dans les conditions de course de Rome.
Tu venais d’être championne de France du 10000m et détentrice du record de france. Comment as-tu été sélectionnée ? Tu avais un objectif particulier ?
Oui j’ai été détentrice du record de France de 10000m en 1986, mais je ne l’ai pas gardé longtemps (repris par Christine LOISEAU quelques mois plus tard). En 1987, aux Championnats de France de 10000m à Paris, je gagne sous la pluie en training car j’avais oublié mes pointes !
Mon objectif en arrivant aux Championnats du monde c’était de finir dans les 8 premières.
Tu fais une première partie de course un peu en retrait de la tête, c’était volontaire ? Tu fais une remontée incroyable, tu peux nous raconter ?
Le parcours du marathon à Rome n’était pas tout plat donc je pars très prudemment et il faisait très chaud, donc prudence, prudence. Je commence à revenir sur les athlètes après la mi-parcours. Au 30ème Km, je suis 8ème, je commence à devenir plutôt euphorique et je remonte les filles à mesure des kilomètres. Au 40ème km je suis encore 4ème. A ce moment, je crois en moi, j’ai les jambes et surtout le mental pour rattraper la soviétique. Je passe 3ème à 1km de l’arrivée et quand je rentre dans le stade (de nuit et sous les projecteurs) la 2ème est juste devant mais il me manquera 200m pour la doubler.
Tu étais adepte du régime dissocié ; beaucoup de mecs chez Jolie Foulée pensent que c’est de la fumisterie. Cela a toujours fonctionné sur toi ?
Oui je suis adepte, je l’ai fait pour tous les marathons excepté les 2 premières années de ma carrière. Je pense que cela permet de résister plus longtemps sans problème énergétique. Pendant la course je ne prends aucun gel trop sucré. Je prends 1 comprimé de sporténine tous les 5km et si je peux du malto dans un bidon.
Et c’est quoi cette histoire de ne pas pouvoir fêter la médaille avec ton mari ? On est fort pour les after chez Jolie Foulée, c’était comment la soirée après Rome ?
A Rome après le marathon, j’ai été au contrôle anti-dopage où je suis restée plus de 3 heures car complètement déshydratée.
Je suis rentrée au village avec le toubib de l’Equipe de France et mon mari poirotait devant le stade pour me féliciter !
Quand nous sommes arrivés au village des athlètes, les dirigeants de la FFA lui ont dit « on va fêter la médaille » mais ne lui ont pas donné de laissez-passer car, à l’époque, les entraîneurs (c’était mon mari) n’étaient pas avec les athlètes. J’en ai toujours voulu à la fédération pour cette « gentillesse ».
On a bu un coup avec les athlètes et dirigeants mais j’étais un peu à l’ouest et sur mon nuage.
Mon mari est donc parti dans le centre de Rome, tout seul, sur ses béquilles car il avait subi quelques semaines auparavant une rupture du tendon d’achille !
Et enfin dernière question : c’est quoi pour toi une Jolie Foulée ?
C’est ce que je n’ai plus !
La qualité de la vidéo est catastrophique bien que la performance reste historique. Extrait de la course de Jocelyne à Rome :
Une course menée d’une MOTA de maître.
La portugaise Rosa MOTA n’a rien laissé à ses adversaires du jour en maintenant son rythme de bout en bout (3’25/km) malgré les conditions particulièrement difficiles. Elle s’impose en 2h25’17, record d’Europe de l’époque. Rien que ça.
Zoya ZIVANOVA décroche la médaille d’argent en 2H32’38 mais a eu chaud aux fesses grâce au retour tonitruant de Jocelyne VILLETON qui termine à seulement 15 petites secondes (2h32’53).
Les autres femmes françaises :
Maria Lelut-Rebulo – a lâché l’affaire et elle est partie visitée le Colisée.
Le classement final du marathon des championnats du monde 1987 Femme
Le classement final du marathon des championnats du monde 1987 Homme
A bientôt pour un prochain épisode « ON REFAIT LA COURSE » avec Nico Sacomano !
Et pour le plaisir des yeux, quelques photos de la course Homme.
Crédits photos :
Gray MORTIMORE
Bob THOMAS
Leo MASON/POPPERFOTO
Bob MARTIN