Benjamin était parmi les 4 mousquetaires qui ont initié l’aventure Jolie Foulée. Depuis de longs mois, on le croyait disparu à tout jamais, calfeutré au fond du 15ème arrondissement de Paris, perdu pour la course à pied. À travers cette interview, il s’exprime enfin sur ses joies, ses peines, ses blessures. Il laisse aussi la porte à demi-ouverte vers un retour au plus bas niveau. On en demande pas moins.

Benjamin, peux-tu te présenter rapidement, d’où viens-tu, quel âge tu-as, ce que tu fais dans la vie, ton dessin animé préféré, etc. ?

Ben, 33 ans, les rageux diront plus mais c’est la barbe. Origines bretonnes, né en Vendée, grandit à Nantes en Loire-Atlantique, un pur produit de la West Coast à la française. Un amour pas forcément réciproque pour le sport en général, 15 ans d’un football de qualité aux Goélands Samaritains à Sainte-Marie-Sur-Mer puis à L’Union Sportive Lucéenne à Sainte-Luce-Sur-Loire, 1 année de tennis pour vivre le frisson solitaire et enfin la course à pied sur le tard. Runner en slow motion, Christophe Rocancourt de la course à pied, mon plus grand fait d’arme reste d’avoir berné tout ce petit monde concernant ma capacité à avaler les kilomètres.

Tu intègres l’aventure Jolie Foulée dès le tout début, tu peux nous raconter un peu cette époque ?

De mémoire on est en 2011/2012, Je venais d’intégrer Nike et c’est là que j’ai fait la connaissance de Lionel qui faisait partie de la même fournée de stagiaires (tout comme Jerem et Janjia d’ailleurs !). À l’époque je m’occupais du Run 75 Crew avec lequel on organisait chaque semaine des sorties gratuites et ouvertes à tous. Peu de temps après Lionel m’appelle et me demande si je veux faire partie d’un projet qu’il était en train de monter avec le Cheb. C’est à cette même époque que Pierre Martot (qui joue le rôle de Léo Castelli dans Plus Belle la Vie) quitte la série lors de la 8ème saison, Jolie Foulée était clairement le refuge dont j’avais besoin pour rebondir. Bien évidemment je ne savais pas encore dans quel traquenard je m’embarquais. La thématique du running arrivait quelque peu au second plan finalement, l’idée était surtout de passer du bon temps avec les copains autour d’un projet commun, le run festif. Le blogspot des premiers jours était composé de bric et de broc. On arrivait de nulle part et on a dû se construire avec les moyens du bord. On quémandait un produit à Nike pour notre premier test, premier shoot avec le Kodak d’Idris, première vidéo avec un copain qui vient dépanner. On se débrouillait avec trois bouts de ficelles mais ça suffisait à nous rendre heureux, on avait la douce sensation d’attraper le ciel avec nos doigts.

Benjamin avec Lilian et Lionel sur le Cross du Figaro pour une des toutes premières courses avec un team Jolie Foulée.

Quelle était ton idée de la course à pied à ce moment là ? Tu pensais pouvoir réaliser de belles choses ? Quels sont tes records depuis ?

Mise à part de prometteuses performances en endurance au collège, ma toute première expérience en course avant Jolie Foulée fut un timide mais honorable 1h15 lors de la Human Race de Nike en 2008. Paire de foot Kipsta stabilisé homologuée aux pieds. C’était les prémices du casse du siècle qu’on s’apprêtera à monter quelques années plus tard avec Jolie Foulée. Déjà à l’époque, résultats obligent, je ne faisais pas dans la grande émotion sportive, l’ambition intime se trouvait ailleurs. Sur l’échelle de la performance, le curseur se situait plus proche du ravito que du chrono, avec pour unique stratégie de passer un bon moment entre les abricot secs et le pain d’épice, assis à l’ombre des parasols. Si vraiment on doit parler chronos, attachez vos ceintures : 2h19min au Semi de Paris 2015. Sur 10K, meilleure perf en 2013 lors du 10KM Paris Centre en 49’32. Depuis, chaque course a été l’occasion d’améliorer mon Personal Worst avec en apothéose un mémorable 59’39 lors de cette même course en 2017, soit +10 minutes en 4 ans d’entrainement. Comme dirait ce bon vieux Rohff, la vie est moche mais les souvenirs lui donnent du charme.

Ton meilleur et ton pire souvenir depuis que tu es dans le team ?

Question piège. Beaucoup de moments de souffrance physique et de cardio anormalement élevé sont devenus à la longue d’excellents souvenirs. De manière générale, chaque chantier mené en équipe reste un moment fort. 2014 fut définitivement une année millésimée avec la SaintéLyon et Marseille-Cassis. Je garde un excellent souvenir de mon « grand retour manqué sur la scène internationale » à l’Andorra Ultra Trail 2016, encore une belle arnaque. Enfin notre aventure avec Lionel et Seb lors du premier et unique épisode de « J’irai courir chez vous » au Club Intercommunal Morbihannais d’Athlétisme à Auray restera pour moi un moment unique dans l’aventure Jolie Foulée. Je pense à un deuxième volet, on verra, c’est Dieu qui donne. Un autre beau braquage lorsque j’ai été sollicité pour écrire dans un magazine de course à pied. Résultat, le magazine a mis la clé sous la porte au bout de 2 ans. Cerise sur le gâteau, j’ai eu l’opportunité d’interviewer la légende Carl Lewis dans le cadre de mes fonctions chez Jolie Foulée. Y’a pas à chier, le crime paye.

Pire souvenir : une douleur chronique au dos plus collante qu’un zouk avec Janjia qui me rappelle qu’un retour sous les 50 minutes au 10K ne restera peut-être qu’un doux rêve.

Malgré toute ta bonne volonté, tu as mis la course à pied entre parenthèses, combien de kilomètres as-tu couru en 2019 et à quand remonte ton dernier dossard ?

En 2018, j’ai eu la chance de devenir papa et je me suis volontairement mis sur la touche car malheureusement mon programme d’entrainement d’athlète de très haut niveau et la course effrénée au houblon de mes comparses étaient clairement incompatibles avec mon nouveau rythme de vie. Aujourd’hui, lorsque le cœur m’en dit, je m’autorise une petite sortie longue de 30/35 bornes le temps de la sieste de ma petite. Concernant mon dernier dossard, ironiquement, il est resté au placard puisqu’il s’agissait du marathon de Paris du 5 Avril dernier, malheureusement annulé… Je m’entrainais dans le plus grand secret afin de battre Nibrun sur sa distance de prédilection. Plus tragique encore, personne ne pourra jamais en témoigner car je ne serai pas à Paris le 18 octobre pour des raisons qui ne regardent que moi.

Benjamin, est-ce qu’un come-back est encore possible ?

Est-ce qu’un come-back de Zizou était encore possible en 2005 ? Pour reprendre la blague dentaire de ce bon vieux Gueko, Y’a que mon dentiste qui peut me plomber. Jolie Foulée pour l’éterniter !

Balance nous un secret sur un des gars de l’équipe.

Quand il bossait pour la marque aux trois bandes, avec Idris on a fait la tournée des Nike Factory dans toute l’Île-de-France à bord de son camion de testing Adidas en quête de style et de jolis souliers pour avoir une dégaine correcte à moindre frais.

Depuis quelques années maintenant, d’autres athlètes tous plus claqués les uns que les autres (Kevin, Idris, Cédric, Romain, Tdrl, Adrien, etc.) t’ont remplacé dans le rôle de lanterne rouge de l’équipe. Lequel d’entre désignerais-tu comme ton héritier naturel ?

Nos runners ont du talent et quoi qu’il arrive, on ne change pas une équipe qui ne gagne pas. Chez Jolie Foulée, on a toujours eu le flair pour s’entourer des athlètes les plus repoussant de ce sport. Maintenant, si on parle de mettre un pied devant l’autre, encore faut-il s’aligner sur une course. Adrien ce serait plus le houblon avant le goudron et il consume son énergie plus vite que sa cartouche de Lucky Strike. Cédric est un très bel imposteur également mais j’ai beaucoup trop de respect pour sa résilience et sa performance sur marathon, distance qui manque à mon palmarès dégarni.

Concernant Tdrl, il a beau avoir un pseudo qui ressemble à une touche de clavier d’ordinateur, il a le mérite d’avoir chaussé les souliers et ce, malgré un physique à l’opposé des conventions sportives. Il connait sa mission au sein du collectif et accepte sa condition. On reconnait parfois un grand athlète à son sens du sacrifice. Un sacrifice déshonorant mais nécessaire. Chapeau l’artiste.

Accepterais-tu de l’affronter dans une course de lenteur des plus palpitantes ?

La lenteur peut-être perçue comme de la mollesse voir de la paresse. Personnellement, j’y vois plus un signe de sagesse et de clairvoyance, même si c’est complètement inutile dans la course à pied malheureusement. Au-delà du gros coup médiatique en perspective, m’aligner face à Tdrl permettrait de mettre en perspective une autre facette de la course à pied, moins reconnue, souvent raillée même. Il est grand temps de mettre en lumière les sacrifiés !

Ta définition d’une Jolie Foulée.

Aristote a dit « Il y a trois sortes de coureurs : ceux qui courent vite, ceux qui courent lentement, et Jolie Foulée ». Une jolie foulée est une foulée à part, qui ne vous laisse pas indifférent, quelle qu’en soit la raison !

Benjamin avait effectivement plus le niveau du PRC que de Jolie Foulée.
Benjamin fut jadis coureur de bas niveau.
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