Dans la course aux résultats, il est d’usage chez les élites et athlètes professionnels de mesurer chaque once de foulée, de fréquence cardiaque, de vitesse. Là où les untalented runners que nous sommes ne peuvent se reposer que sur le sérieux du coach Nibrun et son plan d’entraînement déjà plébiscité, les plus investis pourraient entendre leur entraîneur parler de variabilité de fréquence cardiaque (VFC). Un indicateur qui va regarder ce qui se passe du côté de notre cœur et jauger des pics de forme pour savoir si on va ramener la coupe à la maison ou pas.
Wikipédia balance la définition suivante : la variabilité de fréquence cardiaque est le degré de fluctuation de la durée des contractions du cœur, ou de l’intervalle entre deux contractions. Concrètement, c’est l’enregistrement du temps qui s’écoule entre chaque battement du cœur – on parle là de millisecondes – et qui n’est pas exactement le même entre chaque répétition. C’est la variabilité de cette période qui donne l’état de forme : plus elle est élevée, plus vous êtes en forme. Cependant, des paramètres sont à prendre en compte, comme le rappelle Xavier Thévenard au micro du podcast Dans La Tête d’Un Coureur, après sa deuxième place il y a quelques semaines à l’UTMB 2019 : « la VFC est un enregistrement de sa fréquence cardiaque au matin, dont on analyse les données sur un logiciel de cardiologie ». Et c’est là que tout devient sympathique.
Les battements du cœur sont dictés par le système nerveux. Le petit prince du Trail, Xavier, reprend et schématise le processus comme « une horloge comtoise dont le centre, le balancier, est le cœur. D’un côté on a le système parasympathique et de l’autre orthosympathique. Le but est de faire balancer son cœur aussi bien d’un côté et de l’autre, créer de la stimulation et de la variabilité parce que plus on a de variabilité dans le cœur, plus on a de l’énergie ». C’est le cas car ces systèmes ont une utilité différente, même radicalement opposée. Quand le système parasympathique aide le corps à se relaxer, le système orthosympathique lui, prépare le corps à une réaction de stress, ce qui fait augmenter la fréquence cardiaque et donc baisser la VFC. C’est là tout l’intérêt de prendre ses mesures au matin : avant l’effort, le système parasympathique joue ainsi un rôle majeur > la fréquence cardiaque est faible > la VFC est maximale. Si par contre vous prenez cette mesure le lendemain d’une soirée Jolie Foulée au bar Fondamental, vous serez fatigué, potentiellement encore ivre ou malade > le système orthosympathique répond à un stress > la fréquence cardiaque est forte > la VFC est basse. En plus de ne pas avoir l’envie de courir, vos performances seront plus mauvaises. Dans la vie des professionnels, c’est plutôt une grosse charge accumulée d’entraînements qui donnera une VFC faible.
Sur du plus long terme, l’intérêt est de pouvoir analyser les courbes de ces données afin de contrôler un état de forme global. Ainsi, en croisant avec son calendrier de course, on va pouvoir prévoir ou du moins travailler sur ses pics de forme. La VFC se travaille pour chacun. Elle permet de comprendre comment l’organisme réagit et récupère des entraînements, en combien de temps et quelles méthodes sont efficaces. La veille de son UTMB, Xavier Thévenard disait au micro d’iRunFar que dans son cas, 1 mois et demi minimum entre deux ultras (160k+) lui convient pour récupérer et replanifier un entraînement. Dans notre cas, c’est le minimum de temps de débauche qu’on s’octroie après un RP sur semi et avant le premier footing d’une longue reprise.
Mais peut-on analyser sa VFC quand on n’est pas entouré d’un staff pro ? Sans électrocardiogramme pour mesurer les fréquences entre battements du cœur, il est tout de même possible d’utiliser des outils plus communs. Certaines ceintures cardio de bonne facture permettent de récupérer ces données avec une précision raisonnable. C’est ainsi que travaille en partie Simon Gosselin, co-fondateur et entraîneur en charge de la performance pour le Team Matryx (équipe de Trail de jeunes pousses françaises en devenir). Sans transition, interview :
– En quoi la VFC te permet-elle d’optimiser les entraînements et performances de tes poulains ?
La VFC me permet de détecter et de caractériser la fatigue. En gros, je peux analyser le degré et le type de fatigue : est-ce que c’est de la fatigue liée à l’entraînement, dû au psychologique, à l’alimentation, etc. Avec ces éléments, je vais ensuite regarder comment la fatigue évolue, comment l’athlète réagit et ainsi adapter et individualiser la récup. Par exemple l’un va partir sur une récup active ou l’autre sur du repos. Et ainsi de suite pour adapter et individualiser les entraînements de chacun.
– Penses-tu que ce soit un outil utile pour les coureurs amateurs qui s’entraînent seuls mais qui cherchent à performer ?
Je pense que ça peut être ultra intéressant pour des gens de niveau loisirs et bon niveau. Si on ne connaît pas vraiment son niveau et si on n’a pas l’opportunité d’avoir un entraineur, ça permet d’avoir un bon outil pas cher (juste une bonne ceinture cardio, souvent recommandée chez Polar) et facile d’accès qui les guide sur leur fatigue. Néanmoins, il faut savoir prendre du recul et bien se dire que la VFC n’est pas non plus une vérité absolue. Il ne faut pas juger au détriment de ses sensations personnelles. Aussi, pour que ce soit fiable, la VFC doit se mesurer toujours dans les mêmes conditions, il faut que le relevé soit stable : à l’intérieur, si possible sans trop de bruit et dans un même créneau horaire le matin). Dès lors et avec le recul de ses sensations perso, on a une base intéressante sur laquelle travailler son programme d’entraînement.
– Faut-il vraiment envoyer chier une course si la VFC n’indique pas une forme optimale ?
Ça ne m’est jamais arrivé pour mes athlètes. Enfin, je n’ai jamais dis sur la seule base de la VFC « non là tu n’y vas pas ». Si une telle décision est prise, ce n’est pas qu’avec la VFC. De toute façon, l’athlète sent aussi son état de fatigue. Je bosse plutôt sur l’humain et à la confiance, je vais sentir quand un des gars est fatigué. En regardant le détail d’une séance, en checkant les allures demandées et réalisées, on sait si l’athlète ment sur le niveau de fatigue et s’il faut lever le pied. Il ne faut pas tout changer immédiatement quand une donnée de VFC change. Si par contre sur une période de 5-6 jours on voit une tendance aller vers du mauvais, là on bouge le programme.
Si l’option coach ne s’offre pas à vous, les données récupérées avec une ceinture cardio peuvent être comprises grâce à une application gratos et fiable : Elite HRV. En répétant le processus de prise de données chaque matin, pendant 2 minutes et sur du moyen terme, l’appli dessine une courbe et vous pourrez analyser vos variations d’état de forme. Sinon, Strava propose également de suivre sa courbe de forme grâce à la fonctionnalité Condition physique, en prenant automatiquement vos données cardiaques. Cela ne vaut pas l’interprétation et les conseils d’experts qui préconisent d’ailleurs de récupérer les données d’une autre manière, plus rigoureuse et contraignante. Est-ce qu’on a testé ? Non. Est-ce que Nibrun va s’y mettre ? Certainement.