Non, le livre audio n’est pas réservé qu’aux mal-voyants en quête de kifs littéraires, ni uniquement aux flemmards de la lecture. Preuve en est avec Élie, qui on l’imagine demandera à Siri de lui lire cet article sur son rituel à oreillettes.
Rencontré sur le trail « pâté – terrine » de Nogent-Sur-Oise (un rappel ici), Élie, aka Pascal sur sa boîte mail, détonne ce soir-là de décembre. Pas tant par son look, mais plutôt par ce qu’il se cale dans les oreilles. Pas plus par ses écouteurs, non, mais par le flow qui inonde ses tympans. « Là tu vois, je viens de me lancer un petit bouquin audio pour accompagner ma course ». Tranquilou. Alors que la plupart des adeptes du combo « iTunes + jogging » appuie sur play pour être boosté par Rihanna, B20 voire Alain Chamfort période Le temps qui court, Élie lui choisit de se laisser bercer par de vrais hommes et femmes de lettres.
Plaisir solitaire
Le quinqua a commencé à courir il y a seulement deux ans : « après un incident cardiaque, il a fallu que je reprenne un peu d’exercices. Je me suis alors souvenu que dans ma jeunesse, la course à pied était le seul truc où j’étais à peu près bon. J’avais même gagné un 30km à l’armée ! J’y ai repris goût, 10km, trails jusqu’au marathon de Paris 2016 terminé en 4h30 ». S’il a pris part à cette course de masse, Élie concède ne pas aimer courir en groupe : « Je déteste tout ce qui relève de l’obligation, de l’équipe, etc ». Son pied, il le prendra en solo. Ou presque. Plus Joaquin Phoenix dans Her que Jeanne d’Arc, le runneur prend plaisir à entendre des voix, et pas n’importe lesquelles : celles des livres audio.
Se faire des lignes en courant
« Mon petit rituel commence dès la sélection des livres qui me suivront pendant les entraînements ou les courses. J’essaye de les adapter aux endroits. », commente-t-il avant de donner un exemple : « J’ai testé Fleur de Tonnerre de Jean Teulé à Saint-Malo notamment, le récit d’une empoisonneuse qui sème les cadavres au gré de ses emplois en Bretagne et selon ses employeurs, ça a été une vraie délectation de courir avec ça ! ». Et d’enchaîner : « Mon meilleur moment, tout comme le livre qui m’a le plus marqué, est Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. Je me le suis calé lors du Trail des Marcassins dans le Loiret, et tout au long du parcours, j’ai fait un parallèle entre ce que j’écoutais et les plaques commémoratives sur les différents lieux de résistance et d’exécution croisés. J’ai vraiment ressenti à ce moment-là la solitude, le désarroi et la violence ». Joie.
Écouter plus pour courir plus
Dans sa pratique, Élie admet adapter sa course à la longueur des podcasts qu’il écoute : « il m’est arrivé plusieurs fois de dépasser mon programme de quelques kilomètres pour avoir la fin d’un chapitre. J’ai le souvenir notamment d’un 15k transformé en 18 ! ». Comme un bon vieux trail, ses lectures ne sont pas toutes linéaires : « il m’arrive souvent d’utiliser la lecture aléatoire des chapitres, mais uniquement avec les livres que je connais très bien et dont je suis fan ! ». Pratique random pour un mec loin de l’être.
Guillaume Blot
P.S. : Si, toi aussi, tu te caractérises par une croyance aussi atypique que douteuse – ou que tu connais quelqu’un qui rentrerait dans cette définition – écris un mail à heyguillaume@gmail.com. L’enquête de terrain continue.
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La série Us et Bitumes :
#1 Cécile & le gâteau de Savoie
#3 Cassandre & la brosse à dents
#8 Élie & le livre audio